vendredi 28 décembre 2018

Paris-Conakry - A l'aube de deux vies - Valentine Morning ; Jean-Pascal Ruiz (2017)


La chance m'a de nouveau souri lors de la dernière opération Masse Critique de Babelio : en effet, le roman Paris Conakry - A l'aube de deux vies, écrit par Valentine Morning et Jean-Pascal Ruiz, et publié chez Yaka Books Editions m'a été envoyé tout récemment.



L'histoire 

Hugo est un lycéen parmi tant d'autres, un poil plus romantique que la moyenne, certes, mais qui met un point d'honneur à ne pas faire de vagues. Il vit à Paris avec sa mère, aimante et artiste, et il est entouré de ses deux meilleurs amis Charles et Léa. Hugo est presque comblé : entre les cours et les compétitions de judo, on pourrait croire qu'il n'a guère le temps de penser à son père absent et à la copine qu'il n'a pas. Pourtant, le manque se fait parfois cruellement sentir. 

Un jour, alors qu'il s'est installé dans le square Jean XXIII proche de la Tour Eiffel pour finir de lire Le rouge et le noir de Stendhal, il rencontre Noémie. Coup de foudre instantané _du moins de son côté ! Le lycéen se sent pousser des ailes face à cette Terminale qui semble plus modérée que lui dans ses intentions mais qui, au fond, n'en pense pas moins. Une complicité s'installe bientôt entre les tourtereaux, sous les yeux attendris de Léa et de Charles, qui eux-même sortent ensemble. Enfin, sous les yeux... C'est une façon de parler, car Charles est aveugle. 

Soudain, un obstacle se dresse sur leur chemin : le père de Noémie, qui est ambassadeur de Guinée en France, est envoyé à Buenos Aires puis à Conakry pour une durée indéterminée. Evidemment, sa famille doit le suivre. Si Hugo avait réussi à atteindre le bonheur sans trop d'encombres, il fait l'expérience de la difficulté à le conserver sur le long terme. Leur couple survivra-t-il à la distance ? Peut-on rester fidèle quand on a quinze ou dix-huit ans ? A partir de quand sait-on qu'on a trouvé la femme ou l'homme "de sa vie", si tant est qu'elle / qu'il existe ?



Aimer à l'aveuglette 

Allez, un peu de douceur et de poésie ne font pas de mal ! Paris-Conakry ne dépeint pas seulement la relation extraordinairement harmonieuse de deux jeunes bobos de quinze et dix-huit ans ; ce roman aborde surtout la difficulté de maintenir une relation à distance tout en continuant à avancer chacun de son côté, parce qu'on n'a pas le choix. Quel que soit l'âge du lecteur, il se reconnaîtra forcément dans les questionnements de Hugo _à la fois narrateur et héros_ s'il lui est arrivé de voir son couple plus ou moins tiraillé par les kilomètres... et il sortira sans doute bien rêveur de cette histoire qui emprunte autant au romantisme qu'à l'amour courtois !

Pendant trois ans, alors que beaucoup auraient choisi de reprendre leur liberté, Noémie et Hugo vont communiquer exclusivement par lettres, à l'ancienne. Eh oui, dans cette histoire, que j'aurais tendance à situer à la fin des années 90 ou au début des années 2000 (à tort ou à raison, j'ai peut-être loupé les bons indices temporels) il ne faut pas compter ni sur Skype, ni sur What's App, ni sur les SMS ; même le téléphone est utilisé avec parcimonie. D'ailleurs, l'ambiance générale et le côté mélancolique du héros, qui souffre de sa solitude amoureuse dans les premiers chapitres, m'a pas mal rappelé les échanges de courriers entre Alexis et le taulard mystérieux dans Alexis, Alexia.. Comme un baiser fait à la nuit. Bref passons, c'était juste une parenthèse.


Là où tout à commencé ! Bande de bourges !

A l'issue de ces trois années pendant lesquelles la gondole de l'amour aura vogué à l'aveuglette _bon ok, j'arrête de faire des vannes sur le pote miro, les retrouvailles se préparent enfin... et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elles vont être aussi épiques que laborieuses pour le jeune Hugo ! Je n'en dirai pas plus pour ne pas spoiler, mais si la première moitié du livre m'avait paru très psychologique, peut-être un peu trop consacrée au quotidien du héros et de son petit monde, à la rencontre de Noémie... la deuxième ne manque pas d'action : on a vraiment le sentiment de passer une vitesse, et la lecture est d'autant plus agréable.

Pour résumer, Paris-Conakry - A l'aube de deux vies contient tous les ingrédients qu'il faut pour plaire aux jeunes lecteurs et pour les faire réfléchir : une poignée de personnages attachants, quelques cuillères d'amour saupoudrées d'amitié _avec une pincée de niaiserie, mais juste ce qu'il faut, une dose nécessaire de course poursuite en chariot dans un aéroport. Précision importante à destination des allergiques aux cacahuètes : il n'y a absolument aucune trace de cul dans la préparation de ce roman !

Age de lecture conseillé : à partir de 13 - 14 ans, sans vouloir généraliser bien sûr ! Les goûts, la sensibilité, la maturité, etc.. variant d'un enfant à l'autre.   



Stéréotypes ? 

Si j'avais lu ce livre quinze ans plus tôt, il m'aurait sans doute apporté la dose d'optimisme qui me manquait alors pour affronter la vie... Mais le destin a voulu que je ne le lise qu'aujourd'hui, avec mes yeux de prof d'adulte cynique et blasée ; voilà pourquoi certains passages du livre m'ont un peu laissée perplexe.

Tous les personnages sont sympathiques et crédibles, certes, mais ils m'ont semblé extrêmement propres sur eux : Charles et Léa sont des amis exemplaires, et font preuve d'une sagesse que bien des gars de 25 ans pourraient leur envier. Hugo est un brave type, respectueux des filles, studieux, gentil avec sa maman, toujours soucieux de ne pas commettre de gaffe avec son meilleur pote handicapé... Pas de crise, pas d'esclandre, pas de jalousie cachée, seulement de la fraternité et de la bienveillance : c'est tellement beau que c'est limite suspect... Il me semble qu'à part le daron autoritaire de Noémie qui occupe la place du "despote" briseur de couple, on n'a pas de figure de "méchant" dans Paris-Conakry. La mère de Hugo, Elizabeth, femme admirable qui s'est attachée à préserver son fils du souvenir de son mari emprisonné pour avoir braqué une banque (_ça va, ça reste soft, c'est pas non plus un violeur), est tantôt artiste détendue, tantôt louve romaine quand sa progéniture flanche. Le larron en question saura lui aussi montrer sa face pile au bon moment pour contribuer au bonheur de son fils inconnu. On regrettera juste qu'en bon taulard, il doit présenté comme alcoolique et seulement capable de s'exprimer dans un registre familier.

Du coup, j'ai un peu eu l'impression de sortir du pays des Bisounours en refermant ce livre, mais c'est un moindre mal...



Bon, on déconne et on critique, mais saluons tout de même l'initiative de YakaBooks, une maison d'édition citoyenne et engagée, qui propose des livres pour tous et à prix bas (2€).   

MORNING, Valentine ; RUIZ, Jean-Pascal. Paris - Conakry - A l'aube de deux vies. YakaBooks Editions, 2017. ISBN 978-2-37763-013-4



A l'exception du bâtiment d'accueil encore lumineux, les environs sont plongés dans l'obscurité, et ce n'est pas pour me déplaire. Au loin, les premiers déserteurs me font un signe de la main en se dirigeant vers la sortie, tandis que la fête de fin d'année du personnel bat son plein dans la grande salle. C'est sûrement là-bas que les meilleures blagues se font, mais j'ai pas très envie d'y retourner, pour l'instant. L'air frais me dégrise, et l'espoir aussi insensé que puéril d'être rejointe sur ce banc métallique me souffle de ne pas bouger. Je dois être vraiment bourrée pour croire à ce genre de conneries.     




dimanche 11 novembre 2018

Mauvaise humeur


J'essaie d'être aussi tolérante avec les autres que j'aimerais qu'ils le soient avec moi ; mais la semaine dernière, la tâche s'est avérée plus difficile que d'habitude. 



"Alors, ça se passe bien, cette année ?" me demande une ancienne collègue mutée dans un établissement voisin réputé "moins difficile" que le nôtre. Elle a pris l'intonation apitoyée de celle qui a réussi à déserter le champ de bataille mais qui fait mine de souffrir pour les frères d'armes qui ont encore les pieds dans la fagne. "Alors, ça ne se passe pas trop mal, cette année ? Malgré la violence, le bruit, les travaux, les absents, la pluie, le froid, la mort..." 

Mais le fait est que, bah, cette année, on n'a pas trop à se plaindre. L'équipe s'est stabilisée, les collègues entretiennent sinon de bons rapports, au moins des échanges courtois, et le comportement des élèves s'en ressent : les jeunes sont globalement plus apaisés et trouvent moins facilement les failles qui mènent au chaos. Bien sûr, on n'est qu'en novembre, et, pour citer une autre collègue réagissant en aparté au discours plein d'espoir prononcé par les principaux en début d'année, "on va pas s'enjailler". Les morveux ont plus d'un tour dans leur sac, et chez eux, le calme apparent laisse présager le pire. 

Voilà, dans les grandes lignes, ce que je lui explique en regroupant les affiches de ses anciens élèves, qu'elle souhaite récupérer afin de les montrer aux nouveaux. 

"Et la direction ?" 

Encore une fois, il ne trouve que je n'ai rien de négatif à dire ; et quand bien même ce serait le cas, je me garderais bien de m'en ouvrir à une personne qui a déjà prouvé qu'elle ne savait pas tenir sa langue. 

Le silence s'installe. Visiblement, Patricia* est venue en mode vautour, survolant son ancien lieu de travail et se préparant à fondre sur ses éventuels dysfonctionnements pour s'en gargariser. Bien sûr, elle a des tas de raisons d'être dans cet état d'esprit : elle n'était pas hyper jouasse d'avoir été affectée par chez nous et lorsqu'elle a commencé à se sentir bien dans ses baskets, réussissant sans peine à gagner l'estime et le respect de ses élèves... son poste a été supprimé. Alors oui, on peut comprendre qu'elle ait envie de nous vomir dessus pour se sentir mieux. Mais sur l'instant, j'ai eu envie de la traiter de charognarde et de l'envoyer se faire foutre. J'étais pas d'humeur pour les oiseaux de mauvais augure. 


Gros Lourd le Vautour, personnage de l'histoire Tchico le petit Indien
Ce spectacle de marionnettes était joué par la Compagnie Les Trois Chardons.
Tous les ans, elle venait égayer notre année de maternelle avec leurs histoires magiques : Galou le berger, Lucille et Malo, L'oiseau bleu... et nous laissait des bons de commande pour acheter la version livre-cassette.
On les a tous.

"Et toi ? 

Je pariai intérieurement sur un monologue de dix minutes consacré à l'excellence du bahut d'à côté ; non, même pas. 

"Tu savais que Mme Machin était partie du collège X cet été ? Elle vient à peine d'être remplacée par un type. Tu crois qu'il lui est arrivé quoi ? ça ressemble à un abandon de poste, non ? Elle a peut-être une maladie grave... Elle était dépressive ?" 

Décidément, quel optimisme... 

_ Oh...je ne sais pas... Je pense qu'elle a simplement obtenu sa mutation... Elle était pas d'ici." 




Si elle commence à gicler son venin sur ses ex-nouveaux comparses, c'est le signe qu'elle-même n'est pas au mieux de sa forme. Oh, elle est capable de faire preuve d'un meilleur esprit, et j'ai assez bossé avec elle l'année dernière pour le savoir. Il faut qu'on se soutienne. Il faut que je joue le jeu. Reste cool et souriante jusqu'à son départ du CDI. Du moins, reste cool. Elle ne t'a rien fait, et qui sait quand tu la reverras... Est-ce que tu veux qu'elle garde de toi l'image d'une documentaliste aigrie et cynique ?   

Ne pas montrer à quelqu'un qu'on a envie de le fracasser est un exercice des plus difficiles. Mais pas impossible.       

"_ Eh... ils sont calmes, en fait ! s'esclaffe soudain Patricia en désignant de la tête la petite dizaine d'élèves venus s'installer dans le coin lecture pendant leur heure de permanence. 

Est-ce que tu sous entends qu'avant, quand nous étions dans la même galère, c'était le bordel ? Non, certainement pas. Ton intention n'était pas de me mettre face à mes limites en ajoutant cela ; ta remarque était l'innocence-même, tu cherchais juste quelque chose de sympa à dire, et je devrais me raccrocher à l'une des rares observations positives que tu aies émises depuis ton arrivée. Mon cerveau me l'assure, et je le crois ; pourtant, mes tripes ont envie de te pendre et je prie pour qu'elles ne se fassent pas la malle par l'un de mes trous. 



Ah, chère Patricia... C'eût été un plaisir de te voir... un autre jour. Pourvu que tu n'aies pas senti l'agacement bouillir en moi ! Tu n'en étais pas la cause, et à vrai dire, personne n'y était pour rien !  

* J'ai changé le nom, je suis pas guedine à ce point !
  

samedi 3 novembre 2018

Dans la série : un chasseur sachant chasser sans son chien (ou pas) - L'enfant qui chassait la nuit - Wilson Rawls (1961)


Le cours de français touchait à sa fin. Si ma mémoire ne me fait pas défaut, je crois bien qu'on venait d'étudier un texte vieillot dans lequel une jeune fille présentait sa tourterelle apprivoisée à ses amies. Un camarade avait dû faire une remarque bien sentie sur le sort qu'il aurait réservé à l'oiseau en question s'il s'était aventuré dans son jardin, car M. Dodin avait interrompu sa série d'exercices pour lancer un débat sur la chasse. 

Alors, qui était pour ? Qui était contre ? Une bonne majorité des élèves de la classe étaient issus d'une famille de chasseurs et ne voyaient pas où était le problème. Une bonne majorité avaient également compris que M. Dodin était contre la tuerie réglementée, et n'avaient pas envie de se le mettre à dos pour trois palombes. Le silence devint pesant. 

"Je veux votre avis A VOUS, pas celui de vos parents. L'année prochaine, vous serez en cinquième, ça rigolera plus : il faudra argumenter à chaque fois que vous aurez à répondre à une question.




Guillaume se lança. On le surnommait Mouton parce qu'il était frisé, et on le prenait pour pour le mouton noir de la classe parce qu'il était petit, un peu plus jeune que nous, et qu'il avait cet irrationnel je-ne-sais-quoi propre aux gamins qui se font régulièrement fracasser par leurs pairs sans raison valable, et ce, où qu'ils aillent. Il faut dire qu'il n'avait plus rien à perdre, puisqu'il avait signé son arrêt de mort quelques jours plus tôt en déclarant en plein cours de SVT : "Moi je préfère une bonne ratatouille à une assiette de frites". Comme on pouvait s'y attendre, cet acte de provocation totalement assumé avait entraîné un tollé général, et la lapidation avait été évitée de justesse. 

_ Moi je suis contre ; on ne devrait pas avoir le droit de tuer des animaux qui nous ont rien fait ! 

Stéphanie leva la main ; il était rare qu'elle s'affirme ainsi ses opinions, mais enfin, Mouton essayait de nous apprendre la vie, il fallait bien que quelqu'un aille au charbon pour le remettre à sa place !  

_ La chasse, c'est important : ça nous fait manger ! 

_ Tu parles des hommes préhistoriques ? demanda M. Dodin, espérant l'amener à développer son point de vue. 

_ Non... Mon père et mon oncle, quand ils tuent des faisans, on les mange ! 

_ Ah. Je vois. Mais vous ne vous nourrissez pas que de gibier, j'imagine ; quand la chasse est fermée, vous allez faire des courses, et... 

Pendant ce temps, ma copine Anaïs me racontait sa vie avec une discrétion approximative : 

"Moi, mon père, il a tiré sur le coq à la carabine car on voulait le manger mais on savait pas comment faire. Mais il s'est loupé et il l'a juste blessé. Alors il a ramassé le coq plein de sang et il a regretté d'avoir tiré dessus. Ca l'a fait pleurer. On a dit qu'on allait plutôt le soigner et l'appeler Gustave.

_ Il est blessé où ? 

_ Au cul ! 

_ Mince, ça va être dur à soigner si les tripes ont été touchées. Fais gaffe que les vers ne s'y foutent pas... 

_ Non mais il a l'air d'aller... 

Le gros Franck, qui nous avait expliqué en détails quelques jours plus tôt les joies inégalables de la branlette, s'incrusta :  

_ Un poulet, on le saigne ou on le pend ! On le tire pas au fusil, c'est pas du gibier ! En plus, ça fout des plombs partout ! 

_ Non mais laisse. On le mange plus, finalement. 

_ Ah, tu peux aussi l'égorger avec une hache ! 

_ Non mais c'est les Arabes qui font ça ! On est en France, là ! s'insurgea Anaïs. 

_ Bah quoi, c'est pas mieux qu'au fusil ?"  

Je crois que c'est en entendant "Arabes" et "on est en France" que M. Dodin a demandé le silence complet dans la classe ; après un débat houleux sur la chasse, il n'avait ni l'envie ni le temps de nous reprendre sur des propos racistes qu'on relayait à la pelle sans s'en rendre compte. 

Enseigne HMarket, spéciale dédicace à ma pote de 6ème...

Qui dit vacances scolaires dit passage obligé par la case littérature de jeunesse, parce qu'on est professionnels jusqu'au bout ! Il faut bien reconnaître que ce n'est pas la facette la plus fastidieuse du travail d'un documentaliste. Cela implique cependant de se frotter à des ouvrages et à des thématiques vers lesquels on ne se serait pas naturellement dirigés, parce qu'on ne lit pas purement pour soi mais pour pouvoir conseiller au mieux un certain nombre d'usagers. L'enfant qui chassait la nuit, publié par l'auteur américain Wilson Rawls en 1961, est un exemple de ces romans pour enfants dont je sais d'avance qu'ils vont me saouler : les histoires de chasseurs me rendent mal à l'aise autant qu'elles m'agacent. Quand on a grandi dans une zone où la chasse est un sport, voire un facteur d'intégration pour les hommes, et qu'on a enfin réussi à s'en extirper, on n'a pas envie d'y retomber ne serait-ce que pas le biais d'un livre.  


Ambiance La Petite Maison dans la Prairie. 

Billy vit avec ses parents et ses trois petites sœurs aux fins fonds d'une vallée du Missouri, aux limites de l'Oklahoma et de l'Arkansas ; là-bas, les hommes se contentent de peu et suivent le rythme de la nature : ils cultivent la terre, ils chassent le raton laveur, et de temps en temps, il vont faire des courses en ville. Les parents de Billy en ont un peu marre de la campagne et aimeraient bien que leurs quatre enfants aient accès à l'éducation et se sociabilisent. Dès qu'ils auront assez d'économies, ils s'en iront. Mais pour l'instant, le déménagement n'est pas d'actualité. Comme tous les enfants de son âge, Billy aimerait avoir un chien pour l'aider à attraper les ratons laveurs dans la forêt, d'abord parce qu'il pense qu'il est "né chasseur", mais aussi parce qu'il sait que plus on vend de peaux, plus on est respecté par la communauté. Malheureusement, des chiens de chasse coûtent cher et ses parents ne peuvent lui faire ce cadeau ; en guise de lot de consolation, ils lui offrent des pièges qui lui permettront de braconner tranquille. Billy s'en servira pour attraper ses premières bêtes, et avec l'argent récolté, il finira par se payer lui-même non pas un, mais deux chiens. C'est ainsi qu'il gagne l'admiration de son grand-père, qui tient une épicerie dans la ville la plus proche : le vieil homme blagueur et dynamique lui apportera son soutien et de conseils en matière de stratégie et de dressage canin. Ensemble, ils participeront même à un concours de chasse renommé dans la région. 

Si toi aussi, de loin, tu as cru qu'il tenait autre chose qu'une bêche...

Toutes les nuits, pendant des mois, le jeune Billy va battre la campagne accompagner de ses deux chiens Old Dan et de Little Ann pour talonner, piéger, tuer, dépecer des dizaines de ratons laveurs avec la bénédiction de tous les adultes qui participent à son éducation. Question de culture, dirons-nous... Oh, il va leur arriver quelques mésaventures où le héros se rendra compte qu'il a encore du chemin à parcourir avant d'être un chasseur sachant chasser sans ses chiens !           

Décrit sur le quatrième de couverture de l'édition du Livre de Poche Jeunesse comme "un hymne à la nature", et un peu partout comme un "classique" de la littérature de jeunesse américaine, L'enfant qui chassait la nuit appartient à une époque révolue. Je ne sais pas s'il aurait beaucoup de succès avec les jeunes lecteurs d'aujourd'hui, même en Dordogne ; bien sûr, les passages du livre retraçant les galères de Billy pour trouver de quoi financer son rêve sont touchants ; bien sûr, la relation tissée entre l'apprenti chasseur et ses chiens parlera à ceux qui considèrent les animaux comme leurs égaux. Mais il faut bien reconnaître qu'une bonne partie du roman est consacrée à des courses poursuites de deux chiens très genrés (le mâle Old Dan est "puissant", alors que la "petite" femelle Little Ann est "futée") contre une proie isolée qui, de toute façon, n'a jamais eu aucune chance de s'en sortir ! 

Attention, il s'agit d'une critique personnelle de l'oeuvre ; peut-être que vous, vous retiendrez le parcours hors normes d'un petit paysan fâché avec sa condition de "pauvre" et de "rustre" qui devient un prodige de sa discipline... 

Encore que... Si vous lisez cette histoire, lisez-la bien jusqu'au bout !      

Wilson RAWLS. L'enfant qui chassait la nuit. Le Livre de Poche Jeunesse, 1998. Coll. Mon bel oranger. 352 p. ISBN 2-01-321602-5 

Puisqu'on est dans les histoires de clebs... Corgi ou pain de mie ??

Pour l'anecdote, Anaïs s'est réconciliée avec la viande halal depuis ; elle a deux gosses, les chats égyptiens dont elle rêvait déjà lorsqu'elle avait douze ans, le corps recouvert de tatouages artistiques. Ok, elle n'était pas un modèle de tolérance et d'ouverture d'esprit il y a vingt ans. Ok, c'était même une sale gosse qui n'avait ni la langue ni les poings dans sa poche, qui n'en foutait pas une au collège, et qui traînait volontiers avec les 4° plus susceptibles de réagir à son répertoire de blagues de cul. Exactement la graine d'ortie avec qui vous ne voudriez pas que votre rejeton s'acoquine. Pourtant, elle m'a tellement aidée à grandir _même si elle ne le saura jamais ! et elle est vite devenue mon héroïne ! 

A la surprise générale, elle m'avait prise sous son aile dès le début de l'année, alors que j'étais aux antipodes de ses autres fréquentations. Pourquoi ? Tout le monde se l'est demandé, moi la première, et personne ne l'a jamais vraiment su. Les surveillantes trouvaient notre association particulièrement suspecte et, de temps en temps, un prof me prenait à part et me demandait sans aucun tact si elle ne me forçait pas à faire ses devoirs à sa place. Oh, mon pauvre, mais pour ça il aurait fallu qu'Anaïs se soucie un minimum de ses résultats scolaires ! Or, elle avait bien d'autres préoccupations : son cours de boxe française (parce que la boxe anglaise, "c'est pour les bourrins"), récupérer son album d'Aqua qu'elle prêtait à tout le monde, vérifier que les araignées qu'elle conservait dans son casier ne manquaient de rien, réussir à se glisser en tête de file pendant la vente de chocolatines de 10h, histoire de ne pas se faire sucrer toute récréation... Chacun son sens des priorités ! En outre, elle était prévoyante et organisée pour ce qu'elle voulait : elle avait toujours un stock de pièces pour la machine à boissons ou pour la cabine téléphonique, et devait sans cesse se soustraire aux charognards qui voulaient lui raquer quelques francs _où qui voulaient régler leurs comptes avec elle, car Anaïs avait une tendance à semer la discorde sur son passage, il faut bien le reconnaître. C'est ainsi que nous avons commencé à fréquenter assidûment le CDI, ce temple du silence où personne n'aurais songé à la traquer ! 


mardi 23 octobre 2018

Le septième geste - Tsvetanka Elenkova (2018)


Bien bien. Il me semble que j'ai passé presque deux mois sans écrire sur ce blog, ce qui est une première depuis sa création. Autant dire qu'il est difficile de s'y remettre ! Je vais donc essayer de faire un compte-rendu clair et concis d'un recueil de poèmes en prose qui m'a été envoyé par Tertium Editions, dans le cadre de l'opération Masse Critique de Babelio ; il s'intitule Le septième geste, a été composé cette année-même par l'auteure bulgare Tsvetanka Elenkova et a été traduit par Krassimir Kavaldjiev. 

Voilà la bête !
On a une bonne et une mauvaise nouvelle ! La mauvaise, c'est que je n'ai pas compris ce choix du titre Le septième geste pour ce recueil ; la bonne, c'est que j'ai globalement saisi tout le reste, et ce, bien qu'on ait affaire à de la poésie, bien je ne sois pas une flèche, bien que je ne connaisse rien à la littérature bulgare... De la poésie en prose, qui plus est : pour rappel, cela signifie que vous pouvez dire au revoir à l'espoir de décrypter le message du poète en vous accrochant aux strophes et aux vers. Malgré cela, n'hésitez pas à vous lancer dans la lecture du Septième geste, qui sera tout sauf lunaire et/ou rébarbative. 

D'ailleurs non, ne vous lancez pas. Allez-y plutôt sur la pointe des pieds, car à travers son poème initial ("La traîne de la poésie"), Tsvetanka Elenkova nous propose une entrée fracassante où les images à caractère phallique s’emboîtent à la chaîne se superposent, laissant craindre (ou espérer, tout dépend des attentes du lecteur) une orgie en 90 tableaux... Mais finalement, il n'en sera rien ; même si l'érotisme plane toujours entre deux souvenirs de l'artiste, il reste subtil et tout à fait contournable pour qui n'est pas d'humeur à faire des blagues.   

Le septième geste raconte plutôt quelques moments d'anecdotiques vécus par une famille qui évolue au fil du temps, sur plusieurs générations ; d'une page à l'autre _et donc d'un poème à l'autre, puisque chaque pièce du puzzle n'excède jamais une demi-page, l'auteure évoque sa mère, son frère, puis sa propre maternité. On notera qu'elle cite régulièrement les maximes de sa mère, utilisant l'italique et l'élevant au rang de philosophe ; je ne sais pas s'il sagit de propos rapportés authentiquement, mais il s'avère qu'ils marquent particulièrement le lecteur : 

"Personne ne mérite les larmes d'une fille"
"Tout est bien qui finit bien"
"Après la soixantaine, le temps s'envole"

Un peu comme dans Le parti pris des choses de Francis Ponge, la force des poèmes du Septième geste provient des situations quotidiennes les plus banales. Si quelques thématiques abordées tout au long du recueil, telles que le temps, qui passe, le cheminement de la vie vers la mort, les liens humains... sont récurrentes en poésie, il est plus rare qu'on les aborde par le biais d'objets de la vie courante (les vêtements, la voiture), ou de petits événements empreints de trivialité (la coupure d'un compteur d'eau, l'avancement d'un chantier...). Cela n'empêche d'ailleurs pas Elenkova de parsemer ses scènes (utilement, à mon avis) de références à des lieux et à des personnages issus de la mythologie grecque. N'étant pas spécialiste de la question, je préfère ne pas proposer d'analyse de cette dimension "antique" du recueil, mais je vous invite à le faire, si vous le sentez : à n'en pas douter, la matière n'attend que d'être creusée. 

Aux confins des questions existentielles, des souvenirs de famille et de la singularité des paysages méditerranéens, Le septième geste laisse entendre que la clé du mystère de la vie est tombée quelque part dans notre quotidien.     

Merci à Tertium Editions et à Babelio pour l'envoi de ce livre, qui est une belle découverte.

Désolée pour ce billet tout pourri, mais la reprise du gribouillage après une trop longue pause est toujours compliquée.

Tsvetanka Elenkova. Le septième geste. Tertium Editions, 2018. 95p. ISBN 978-2-490429-02-8


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mardi 28 août 2018

Lectures de (fin de) vacances : Victor Schoelcher : "non à l'esclavage" - Gérard Dhôtel (2008) / Ça c'est mon Jean-Pion - David Snug (2018)


Soupir de regret, une fois de plus

Tu découvres un livre, tu trouves qu'il est vraiment bien écrit ; alors tu fais une recherche dans le catalogue du CDI pour voir si d'autres ouvrages du même auteur sont présents dans le fonds. Tu te rends compte que oui, deux documentaires _très prisés ! et quelques articles de revues pour enfants sont signés par ce gars. Alors tu cherches sa biographie et tu apprends qu'il est mort il y a deux ou trois ans à peine, fauché avant d'être vieux. 

Victor Schoelcher : "non à l'esclavage" - Gérard Dhôtel (2008) 

Je crois qu'on a parlé une seule fois de Victor Schoelcher en cours ; c'était dans le cadre du cours d'histoire-géo et d'éducation civique, plus précisément pendant la période des révisions. Nous avions lu un extrait d'un texte dont il était l'auteur et qui parlait d'abolition de l'esclavage, après quoi nous devions répondre à des questions de type brevet. Il faisait beau et chaud, on n'avait pas grand chose à battre de cet homme au nom imprononçable. Par contre, le Toussaint Louverture dont il louait l'importance et les qualités de révolutionnaire inspirait beaucoup nos esprits corrompus par des hormones en ébullition. 

"Ma queue, elle va trouver ton ouverture, ahah !"   

De toute façon, notre prof était passée assez rapidement sur Schoelcher, nous laissant entendre que ce particulier, certes, avait rendu libre un paquet de monde, mais qu'il était aussi un bon colonialiste des familles. Cela ne nous avait pas donné envie d'en savoir plus ; j'ai donc beaucoup appris du court roman historique écrit par Gérard Dhôtel.    



Victor Schoelcher : "Non à l'esclavage" s'organise en six courts chapitres symbolisant les étapes marquantes d'un destin qui aurait pu se limiter à la vente de porcelaine. En effet, Victor est d'abord envoyé outre-Atlantique pour livrer des commandes passées à son père, un porcelainier de renom. A 24 ans, ce jeune homme bien né rêve de découvrir le vaste monde ; sa vie de futur vendeur va prendre une direction nouvelle lorsque, une fois arrivé à Cuba, il assiste à une vente d'esclaves qui va le traumatiser. Selon Gérard Dhôtel, la scène lui fait l'effet d'un électrochoc, et l'abolition de l'esclavage des Noirs devient son cheval de bataille. Lorsqu'il entre en France, il se lance dans l'écriture de textes démontrant que les hommes sont égaux et qu'en soumettre certains à d'autres en fonction de leur couleur de peau est complètement absurde. A partir des années 1840 paraîtront ses premières publications. Il entrera dans l'Histoire en faisant passer le décret d'abolition de l'esclavage en 1848. De fil en aiguille, Schoelcher intègre les sphères de la politique et du journalisme, se lie avec des hommes de lettres, puis utilise parallèlement son statut de bourgeois aisé pour poser les pieds dans un camp "ennemi" : celui des colons et des esclavagistes. Son objectif est de comprendre leurs arguments pour mieux les contrer.  


Comme c'est le cas dans beaucoup de livres de la collection "Ceux qui ont dit non" d'Actes Sud Junior, Dhôtel a choisi de mettre en scène un personnage jeune et emporté auquel les jeunes lecteurs pourront s'identifier, quitte à broder quelques fioritures par dessus la réalité... On suit ce petit gosse de riche croyant dur comme fer à l'humanité dans son voyage initiatique où il va se faire baffer assez rapidement par des déconvenues : il va apprendre par l'observation que l'Homme est capable du meilleur comme du pire. Utilisant toujours le présent, l'auteur rend également accessibles les tumultes historiques du XIX°siècle, dont on parle un peu moins souvent que d'autres : la IIème République, puis la IIIème, avec entre temps le coup d'Etat de Napoléon III.   

Cette biographie romancée de Victor Schoelcher est suivie d'un dossier constitué d'une chronologie, d'un article intitulé "Eux aussi, ils ont dit non" qui évoque d'autres figures de la lutte pour l'abolition de l'esclavage ou qui ont travaillé sur ce sujet (Wilberforce, les Lumières, Harriet Beecher-Stowe, Maryse Condé, Aimé Césaire). Il se clôture sur un corpus d'illustrations en couleur utilisables en classe, à mon avis. Même s'il n'a pas vocation à soulever les zones d'ombres qui entourent quelqu'un qui a, malgré tout, œuvré à l'avancée des mentalités, lire ce roman écrit pour les jeunes (mais également instructif pour les adultes non historiens) ne fera de tort à personne. 

Emission 2000 ans d'Histoire consacrée à Victor Schoelcher - Diffusée en 2017 (à vérifier)
  
Dhôtel, Gérard. Victor Schoelcher : "Non à l'esclavage". Actes Sud Junior, 2008. Coll. "Ceux qui ont dit non". 95 p. ISBN 978-2-7427-7761-7 


Allez, on passe à la suite ! 


David Snug - Ça c'est mon Jean-Pion (2018) 

Après avoir fait un petit tour du côté d'Instagram _ puisque apparemment les infos les plus croustillantes s'échangent via ce réseau-là, en ce moment _,après m'être abonnée au compte des éditions Même Pas Mal, je suis tombée sur la couverture de Ça c'est mon Jean-Pion, la nouvelle BD de David Snug :    



Là, je me suis dit : oh, mais cette bande dessinée pourrait faire un cadeau de rentrée bien marrant pour les collègues de la Vie Scolaire. Si la couverture me susurrait déjà à l'oreille que ce ne serait pas possible d'intégrer l'ouvrage en question au fonds BD en libre accès du CDI (suivez mon regard vers le couteau et les clopes notamment), rien ne m'empêchait de l'abandonner négligemment dans le bureau des surveillants. L'histoire d'un pion qui raconte son année scolaire devait sans doute être riche en anecdotes sur les mouflets, et ne pouvait que prendre la forme d'un parcours initiatique où un "nouveau" de l'EN se fait bien bordéliser par les gosses à la rentrée avant de se remettre en question, de toucher le fond, et de remonter à la surface en fin d'année, content d'avoir trouvé son rythme de croisière en matière de gestion des groupes.    

ou pas

Sauf que. David Snug sort tellement des sentiers battus que le résultat qu'il obtient en publiant Ça c'est mon Jean-Pion est encore plus surprenant qu'on pouvait s'y attendre. 

En prenant son poste de surveillant à mi-temps dans un collège de Seine-Saint-Denis, le héros _qui n'est autre qu'un fidèle avatar de l'auteur, voulait juste se faire un peu d'argent tout en ayant du temps libre pour dessiner et jouer de la musique. L'homme n'a rien d'un jeune blanc-bec hésitant et plein d'empathie pour l'adolescent boutonneux. Il se crée d'entrée le personnage (très drôle) de Jean-Pion, un tortionnaire au rire terrifiant désireux d'assouvir ses pulsions nazies ; aussi, comme il aura relativement la paix avec "le collégien, cet être inférieur", il aura la possibilité d'observer et de critiquer le système dans lequel il s'est infiltré bien malgré lui. Pas de chaises qui volent, pas d'insultes, par de tranches d'ananas dans ta djeule _c'est ce que les gosses me jetaient quand je surveillais la cantine, au Mirail. Pas de longues tirades sur le dur métier d'éducateur _"mais que font les parents ??". Vous êtes déçus ?

Non, vraiment, vous ne devriez pas : ici, tout le monde en prend pour son grade. Il est fort probable que vous ne lisiez jamais ailleurs ce que vous verrez dans cette BD... qui est un des rares ouvrages traitant du milieu scolaire qui évoque les AGENTS D'ENTRETIEN ! Déjà merci, rien que pour ces vignettes-là. La mixité sociale ? L'artiste la passe au mixeur, toujours en s'appuyant sur son expérience professionnelle tellement enrichissante. 

Du coup, il devient délicat de présenter Jean-Pion à mes copains de salle des profs et de vie sco car, comme chacun sait, on peut rire de tout mais pas avec n'importe qui ; et je pense que certains passages _sur la typologie des profs, des surveillants, sur les rapports qu'ils entretiennent... passerait fort mal. Quand il s'agit de se foutre des élèves et des parents, on est tous d'accord ; mais quand on touche à la corporation, les gens sont bizarrement plus chatouilleux. 

D'ailleurs, au sujet de la seule allusion faite au CDI dans la bande dessinée, force est de constater qu'elle m'a rappelé quelques vieux souvenirs.



Bref, pas la peine de raconter les 70 planches (ou un peu plus, un peu moins). Je ne pourrai que conseiller aux gens qui ont de l'humour ce tout dernier ouvrage de David Snug sorti au mois d'août. Original par son angle d'attaque, il frappe fort et juste dans les failles du système, et notamment celles qui font que, quand on est assistant d'éducation, on ne voit pas toujours l'intérêt de se donner à fond dans ce boulot ingrat ; malheureusement, lorsque tu te retrouves surveillant _parfois aux abois, parfois avec une famille sur les talons, tu n'as pas forcément envie de te reprendre cette réalité dans la figure et tu te protèges comme tu peux.. Ajoutons à cela, et c'est important, que David Snug évite de tomber dans l'écueil "Vis ma vie dans 9-3" : "Wesh wesh, moi je travaille avec des petits blacks, des petits arabes, les parents sont démissionnaires, ils fument du shit en bas des immeubles, c'est pas facile croyez-moi". 

Pour finir, Jean-Pion est ni plus ni moins un roux cool des aisselles qui se trimbale avec des croix gammées "izi" dans une cour de récré clôturée de barbelés, ou dans d'autres décors aux teintes rouges délavées et blanches. Les couleurs du nazi soft ? Ici, c'est pas Entre les murs, sachez-le. Rien que pour le phénomène, jetez-y un oeil !  

   

Du coup, j'ai acheté cette BD ; précisons une dernière fois qu'elle se lit avec des lunettes 3ème Degré. Désolée de participer au sucrage du RSA. 

David Snug. Ça c'est mon Jean-Pion. Editions Même Pas Mal, 2018. ISBN 9782918645450 - 15€


mardi 21 août 2018

Les folles aventures télévisées des vacances : La ch'tite famille - Dany Boon (2018)


Je nageais dans une rivière calme en traînant un tronc d'arbre étrangement léger. Des clapotis m'ont fait comprendre qu'un autre nageur arrivait derrière moi, alors j'ai garé mon fardeau le long de la rive pour le laisser passer. Il était vêtu d'un combinaison de cyclisme, casque compris. Puis je me suis remise en route car, même si cette tâche ne me déplaisait pas particulièrement, j'avais un horaire de livraison à respecter.

A un moment, la rivière a dû se jeter dans la mer, puisque je me suis retrouvée sur une plage à tirer le tronc d'arbre au sec. Il était maintenant jauni par une panure de sable. Je l'ai laissé en plan pour entrer dans une gare dont le hall donnait sur cette plage ; une femme blonde et un homme aux cheveux gris m'y attendaient, ou plutôt attendaient le colis. Ils m'ont remerciée pour la forme d'avoir effectué la besogne mais j'avais l'impression qu'ils n'en avaient strictement rien à foutre et que ma présence les incommodait plus qu'autre chose. D'ailleurs ils se sont rapidement éclipsés pour poursuivre une conversation qui ne me regardait pas. Peu m'importait, j'étais contente d'avoir fait mon boulot.

Le malaise, c'est que je ne savais pas où j'étais, en fait. Ni la ville, ni la région. Sur un panneau en papier, il était inscrit qu'un train partirait pour Paris à 7h et quelques, mais cela ne me disait pas si j'étais loin ou pas de la capitale. Tout était gris, métallique, froid dans cette gare, jusqu'au vieux téléphone à cadran posé dans un coin. J'ai préféré sortir sur la plage ; le vent du matin était un peu frais mais ciel bleu refilait le moral. Je me suis agenouillée pour voir de plus près de petites palourdes indigos et translucides fichées dans un rocher. Je n'avais jamais vu de tels spécimens mais ils m'ont rendue hyper zen.

Puis je me suis réveillée sans avoir eu le fin mot de l'histoire. C'est con les rêves.



Beaucoup se foutent de mon attachement à ma famille ; contrairement à la plupart des personnes de ma tranche d'âge, je voyage peu. Pas du tout, même. Je sais. Je devrais, "maintenant que je peux le faire", je sais bien "qu'après il sera trop tard". Mais c'est ainsi, faut pas juger.

Cet été, en famille et avec ma mère surtout, on a regardé des comédies plus ou moins célèbres. Puis j'ai pris le temps de me lancer dans le visionnage de quelques séries de mon côté, en nocturne : dans l'idéal il faudrait que ma banque de sujets de conversation soit pleine pour la rentrée de septembre, histoire de pouvoir échanger avec les collègues sans avoir à me casser la tête. Eh oui, se montrer sociable fait pleinement partie du boulot !

Voici la première étape de ces "folles aventures télévisées des vacances" :

La Ch'tite famille (2018) 

Honnêtement, l'idée de regarder cette nouvelle comédie de Dany Boon ne m'emballait pas tant que ça. Ma mère a acheté le DVD en pensant, je crois, qu'il s'agissait d'une suite de Bienvenue chez les Ch'tis, ce fameux film qui a dépoussiéré toutes les salles de ciné en 2008. Nous n'allons pratiquement jamais au cinéma mais je me souviens que lorsque'il était à l'affiche, nous avions bloqué un dimanche après-midi pour faire partie de ceux qui "l'avaient vu", cet antidote à la tristesse.

Or, quand on se fait des films avant de voir le film, on tombe souvent de haut.

Oh, on s'était bien marrés quand même, faut pas pousser ! mais je suis sortie en me demandant pourquoi cette comédie-là avait si bien marché par rapport à d'autres. Comme elles avaient beaucoup aimé Bienvenue chez les Ch'tis, c'est tout naturellement que ma mère a prêté La Ch'tite famille à ma soeur, l'autre jour. Laquelle le lui a rendu peu après en disant qu'elle et son mec n'avaient pas réussi à le regarder jusqu'au bout "parce qu'ils s'étaient endormis devant" ; eh ben, ça promettait de l'action ! Un après-midi où il faisait très chaud, puisqu'on était de toute façon coincées au frais, on l'a quand même tenté, tant pis.    


L'histoire 
Valentin (Dany Boon) et Constance (Laurence Arné) sont des designers renommés à Paris : leurs fameuses chaises à trois pieds et bien d'autres meubles de leur invention sont très tendance chez les mondains de la capitale, bien qu'ils soient souvent peu fonctionnels... Tout roule pour le jeune couple, mais, quand au détour d'interviews, on interroge Valentin sur ses origines, son visage se ferme : l'homme se dit orphelin ; il n'a jamais eu de famille et ne souhaite pas confier à la presse un pan si douloureux de sa vie ! Pourtant, la réalité est tout autre : 20 ans plus tôt, cet artiste à complètement tourné le dos à ses parents et à son frère vivant dans le Nord de la France pour mener à bien son projet de carrière. Un jour, alors que le vernissage de son exposition au Palais de Tokyo bat son plein, Valentin voit débarquer dans le fracas sa mère (Line Renaud), son frère (Guy Lecluyse), sa belle-soeur (Valérie Bonneton) et sa nièce (Juliane Lepoureau). Cette visite surprise est un vrai cauchemar pour le designer et pour les siens, qui comprennent bien vite que leur présence est indésirable. Ils s'apprêtent d'ailleurs à rentrer à la maison quand le père de Constance (François Berléand) percute Valentin avec sa voiture, le plongeant dans le coma. A son réveil, le pseudo sans famille a perdu une partie de sa mémoire, mais a récupéré son accent et ses 17 ans. Inutile de lui parler affaires, chaises design et réunions de travail : il ne se souvient même plus de Constance, avec qui il partage sa vie depuis des années. Pour lui, la vie se résume à sa mère, à des balades à mobylette, et à sa copine de l'époque... qui depuis, est devenue la femme de son frère.. Ambiance. 

   

"Alors, il est bien ?"
J'en ai toujours autant ma claque du traitement de l'accent du nord dans les films, et à mon avis, ceux qui vivent pour de vrai dans cette région doivent rager de se voir autant caricaturés. A part ce léger désagrément, cela dit, on a pas mal rigolé et on ne s'est pas ennuyées une seconde, ma mère et moi ; on se demande même toujours comment ma soeur et son mec ont bien pu faire pour piquer du nez devant car, qu'on aime ou qu'on n'aime pas, il faut reconnaître que l'enchaînement des scènes est assez dynamique pour qu'on se prenne au jeu. Si La ch'tite famille n'est pas une comédie qui restera dans les annales, je l'ai mieux appréciée que Bienvenue chez les Ch'tis, car l'intrigue me semble moins tirée par les cheveux et les personnages sont plus subtils. Précisons à nouveau que ce film de 2018 n'est en rien une suite du blockbuster maintenant vieux de dix ans. Mais puisqu'ils s'inscrivent dans la même veine, à savoir, la rencontre entre deux mondes _le Nord et le reste de l'hexagone, entre deux langues distinctes _le français et l'un de ses multiples patois... rien ne nous empêche de les comparer.


Pour Dany Boon, il fallait oser se mettre en scène dans le rôle du petit con qui a renié sa famille lorsque le succès lui a souri ; bien joué, car il parvient à nous faire comprendre que certaines couches de la société sont tellement "élitistes" qu'il peut être handicapant d'annoncer ses origines lorsqu'on veut s'y intégrer. Parfois, ce critère peut à lui seul fermer des portes. On le sent bien dans le film ; quand son entourage professionnel "découvre" la famille de Valentin, appartenant plutôt à la classe ouvrière, ou quand le héros se remet à parler ch'ti, sa crédibilité en prend un coup. N'est-ce pas à partir de ce moment qu'on va essayer de l'entuber de toutes parts ? La perte de mémoire a bon dos. Ok, le "mauvais fils" n'aurait pas dû gommer sa famille, il aurait mieux fait de leur rendre visite pendant ses vacances et d'en parler autour de lui. Il se serait collé une belle étiquette de péquenot par la même occasion.




Evidemment, Valentin D. va se racheter grâce à son traumatisme crânien salvateur. Mais peut-on lui reprocher d'avoir voulu faire son trou dans un domaine dans lequel il s'illustre ? Aurait-il percé s'il avait gardé son accent ?

Pour vivre au quotidien le cas de figure contraire, je dirais que non. En effet, mon boulot m'a fait passer du monde ouvrier - paysan à la sphère des profs ; je vis donc au milieu des gens cultivés et tirés à quatre épingles, qui ont voyagé et qui sont souvent partis en vacances, et qui ont, pour la plupart, au moins un parent fonctionnaire, enseignant, cadre... On bosse bien ensemble. On n'est pas des bêtes. Malgré tout, je garde et je garderai toujours sur ma gueule et dans mon allure les caractères de la paysanne _ attention, ça me va très bien !

Eh bien vous me croirez ou pas, mais ça conditionne drôlement vos relations avec les collègues. Oh, tout le monde est très gentil avec vous, très courtois ! On ne vous lance pas des pièces, on ne vous traite pas de manant, on vous salue. Mais la manière dont on s'adresse à vous diffère légèrement, et les taches qu'on vous confie peuvent varier. Ce ressenti est assez dur à expliquer, mais je suis à peu près certaine que tout ne se passe pas dans ma tête. Parlez d'un festival, d'un bouquin, d'un film, on sera bien surpris que "vous connaissiez ça, vous", et on se demandera par quel char à bœufs c'est arrivé jusqu'à vos champs. Allez ok, j'exagère un peu... D'ailleurs, personne n'oublie jamais de vous demander des nouvelles de votre "pays" avec un air apitoyé, vous posant la main sur l'épaule, comme pour vous dire : "bientôt, bientôt tu pourras te rouler dans le foin à nouveau. Sois forte en attendant".

Je ne me plains pas, je constate simplement...   

Bref, voilà le débat que Dany Boon soulève, en fait : les classes sociales n'existent-elles pas encore, plus que jamais, et ne sont-elles pas de moins en moins perméables ? Coucher ne suffit pas toujours pour se réaliser professionnellement ; parfois, renier ses parents est une garantie plus sûre.
    
Palais de Tokyo

Enfin, ce film a le mérite de faire connaître le Palais de Tokyo, centre d'art contemporain parisien que j'avais complètement zappé, à supposer que j'en aie entendu parler un jour !

La Ch'tite famille 
Comédie, 1h47 
Pathé Productions 
Dany Boon 
2018 
Le DVD est dispo pour 10 balles environ. 

mardi 14 août 2018

MANGA - Sunny Vol. 2 - Taiyou Matsumoto (2015)


Sunny, volume 2 sur 6 ! 

Retournons au Japon de la fin des années 70, plus exactement au foyer des Enfants des Étoiles après un premier tome qui avait fort bien planté le décor. Pour rappel, Sunny raconte le quotidien d'une dizaine d'enfants séparés de leurs parents pour diverses raisons et placés temporairement dans ce centre d'accueil. Sous la responsabilité d'une équipe d'éducateurs qui mettent tout en oeuvre pour qu'ils cohabitent sans s'étriper, ils gèrent comme ils peuvent l'éloignement et les problèmes familiaux. Chacun fait avec ses armes : Sei _le binoclard en couverture_ s'isole, le petit Jun fait autant de tapage que son corps minuscule le permet, Kiiko la joufflue ruse pour attirer l'attention sur elle, Haruo provoque les adultes. Leur dénominateur commun est une vieille voiture Nissan Sunny hors d'usage plantée dans la cour du foyer ; ils la squattent à tour de rôle pour rêver à une vie meilleure. 

Vous trouverez un billet consacré au volume 1 ici.    



Où est-ce qu'on en était ? 

Comme on pouvait s'en douter, ce deuxième volet nous laisse entrevoir la complexité d'une bande de jeunes plus ou moins paumés ; contrairement à ce que la couverture peut laisser penser, Sei n'a plus la place de personnage central qu'il occupait dans le premier tome, en tant que nouvel arrivant. C'est plutôt Haruo, le garçon aux cheveux blancs, qui bouffe les vignettes par ses coups de sang et son insolence à l'égard de son entourage. 

Kiiko ne supporte plus Megumu : cette dernière lui semble trop gentille, trop calme, trop désireuse de devenir amie avec les filles "des maisons" pour être honnête. Qu'est-ce qu'elles ont de plus qu'elles, ces filles-là, hormis une famille aimante ? Pour attirer l'attention sur elle, Kiiko invente de toutes pièces une histoire de kidnapping dont elle aurait été victime. 



Un nouveau s'installe "pour quelques jours" : Tôru, six ans, les yeux larmoyants, espère que sa mère viendra vite le récupérer...  Il faut d'abord qu'elle résolve quelques problèmes. Malgré son jeune âge, Haruo ne se gêne pas pour le secouer en lui disant qu'elle aura très certainement oublié son existence d'ici là. Sei est plein d'empathie pour ce colocataire hypersensible et le prend aussitôt sous son aile. Haruo guette leur amitié naissante sur coin de l'oeil, mi moqueur mi jaloux. 




A l'occasion de la journée d'accueil des parents à l'école primaire, Adachi a dispatché l'équipe d'éducateurs dans différentes classes pour que tous les enfants du foyer scolarisés ici aient un "représentant" à leurs côtés, à défaut d'un membre de leur famille. Pour compléter l'effectif, il a fait appel à Makio, un ancien pensionnaire des Enfants des Étoiles qui s'en est visiblement bien sorti. Beau, cool, heureux propriétaire d'une voiture, il a la cote auprès des gosses ; Haruo lui-même est son fan numéro 1. 
       

Bien que ses bons résultats au collège fassent de lui un élève prometteur, Kenji ne veut toujours pas aller au lycée. Par contre, son envie de quitter le foyer définitivement est toute nouvelle ; sans doute cette idée lui est-elle venue au contact de ses nouveaux amis : Haruna, une adolescente perdue dans sa vie et en proie à de violentes crises de colère, Seki un jeune homme plus âgé qu'eux, et quelques autres pelés pas très raisonnables.  


Le dernier chapitre du manga est consacré au séjour de l'insupportable Haruro chez sa mère, une bien étrange bonne femme...  

Un boulot ingrat        

Sunny 2 est un poil plus sombre que le volume d'ouverture, où gravité et bonne humeur étaient parfaitement équilibrées. En même temps, Matsumoto avait pour objectif de composer un manga réaliste ; il ne pouvait donc pas éluder les problématiques propres aux enfants placés, telles que le sentiment d'abandon, la stigmatisation _à l'école, on distingue bien les "enfants du foyer", qui passent le portail en meute matin et soir, des "autres", la marginalisation qui en découle _effective mais parfois exagérée par les gosses concernés, la difficulté de vivre avec des frères et sœurs qui n'en sont pas et qu'on ne connaît pas bien... Le tout à la fin des années 70, comme le laissent entendre quelques indices culturels disséminés ça et là _une mention à un groupe de musique, un combat de catch regardé à la télé par les enfants... : par conséquent, l'ouverture d'esprit n'est pas forcément au rendez-vous, et on croise toujours un con pour te rappeler que tu ne vis pas avec ceux qui t'ont fait. 

Sauf erreur de ma part, voici la chanson dont il est question. 
Southpaw - Pink Lady


Heureusement, l'équipe d'éducateurs est là pour amortir les chocs ; peut-être que je me répète par rapport au billet précédent, mais ce manga a l'avantage de mettre en avant le boulot de ces adultes qui accompagnent des petits de tous âges H24. On est loin des orphelinats à la Dickens, gérés par des bonnes sœurs tortionnaires et/ou pédophiles. Ici, Adachi, Miztsuko et les autres sont des gens responsables, respectables, de vrais repères. Mais, comme toutes les bonnes poires cachées sous un masque d'autorité, ils peuvent devenir des cibles idéales pour des enfants en pleine découverte de leur capacité à provoquer et à blesser. Le chapitre 9 _celui sur la journée portes ouvertes à l'école primaire_ est particulièrement parlant. Adachi s'est cassé le cul à faire un planning, à organiser des visites pour chaque niveau, à conduire tout le petit monde sur place, pour finalement se faire afficher par un Haruo plus teigne que jamais : sachant qu'il n'est pas sous son autorité à ce moment-là, puisqu'il est en classe, le mioche aux cheveux blancs se permet de l'interpeller au milieu du cours pour lui demander de se casser. 

"Adachi, qu'est-ce que tu fais là ?"
"T'es pas le bienvenu ici !"
"Ouais va-t-en Adachi !" 
"On n'a pas besoin de toi." 

Plus tard, les gosses joueront à pierre - feuille - ciseaux pour éviter de rentrer avec lui au foyer, préférant la compagnie du beau Makio. Bref, aucun respect. Bon, le type est expérimenté et ne se laisse pas atteindre par la cruauté de ces enfants en souffrance ; il opte pour l'ignorance et la dérision. Si j'insiste lourdement sur ce passage du manga, c'est parce qu'il peint une facette du métier d'éducateur qu'on passe souvent sous silence : tu te dois de te donner à fond, et si tu le fais correctement, tes petits protégés n'en seront pas dupes. Mais ne t'attends pas à des remerciements ou à un retour de leur part. Il est même fort probable qu'ils te crachent à la gueule en retour. Ainsi va la vie. Protège-toi, fie-toi à ta bonne conscience et n'attends surtout pas que tes efforts soient reconnus pour les poursuivre, sinon t'es bon pour changer de branche.  

Antonio Inoki, l'une des stars des Enfants des Étoiles.


Parents transparents 

Même tarif, je suppose, pour le métier de parent. Alors là, dans le rayon des darons qui ne remplissent pas le contrat, Sunny a tout ce qu'il vous faut. Précédemment, nous avions fait connaissance avec le père alcoolique ET crasseux _l'un n'implique par forcément l'autre_ de Kenji, aujourd'hui nous avons affaire à la maman ultra distante de Haruo. Il semblerait que cette executive woman pas spécialement dans le besoin ait daigné accordé trois jours de sa vie à son fils, avec qui elle n'échangera rien d'autre que des banalités. Alors que celui-ci manifeste son besoin de vivre avec elle, la femme zappe la question et finit par lui demander de ne plus l'appeler "maman" et d'utiliser son prénom à la place. Ambiance. Sur le chemin du retour _qu'il effectue seul, Haruo n'aura plus qu'à faire le caïd. Après tout, sur qui peut-il s'appuyer si ce n'est sur ce personnage ?  

J'ai assez spoilé comme ça, inutile d'en faire des tonnes ; les Sunny font partie de ces BD qu'on se garde de côté pour les vacances, ou en guise de récompense pour avoir enfin réglé ce truc chiant qu'on laissait traîner depuis des mois. Sensible au contenu, j'ai peu prêté attention au trait de Matsumoto et à la forme du manga de manière générale pour cette fois-ci. Inutile de le faire maintenant, je ne dirais que des platitudes et / ou des conneries. Une prochaine fois ! 


MATSUMOTO, Taiyou. Sunny Vol. 2. Kana, 2015. Coll. "Big Kana". 214 p. ISBN 978-2-5050-6281-3