dimanche 2 avril 2017

Dans la série "j'ai commencé par le 2 sans faire exprès" : Le Carnet de Théo - 2 - Chacun son style - Eléonore Cannone / Sinath (2012)


BOULET ! 

Image trouvée sur http://sofid.franprofits.com, un site pour créer des cartes de fidélité virtuelles (!)
Ouais ouais ! 


"Ce ne serait pas la première fois que tu commencerais par le tome 2, voire par le 5 !" Me direz-vous, et je ne pourrai que confirmer en vous renvoyant vers de précédents billets. Mais là, ce n'est pas ma faute !

L'histoire remonte au printemps 2014. En revenant, ma collègue et moi, du Ministère de la Justice où nous nous étions rendues pour récupérer un don d'ouvrages consciencieusement mis à disposition par la Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, nous nous sommes empressées d'ouvrir le gros carton pour en extraire les surprises. Découvrir un lot de livres neufs est un moment particulièrement exaltant pour un documentaliste. Même lorsqu'on sait pertinemment ce qu'il contient. Bref, tout ça pour dire que parmi les romans sélectionnés par la DPJJ, nous sommes tombées sur le tome 2 de la trilogie Le Carnet de Théo - Chacun son style. Pas trace du premier volume, tant pis ! Peut-être avait-on considéré que le début des aventures de Théo était figurait déjà sur nos étagères ? 

Pour info, voici les titres et les dates de publication des trois volets : 

Le Carnet de Théo - 1 - Dans ma bulle (2011)
Le Carnet de Théo - 2 - Chacun son style (2012)
Le Carnet de Théo - 3 - Tous en scène (2013) 

Bon rythme ! Bravo à l'auteure Eléonore Cannone et à l'illustratrice Sinath. 

L'histoire 

Le Carnet de Théo - Chacun son style, c'est avant tout un bel objet d'environ 430 pages bien remplies agrémentées de nombreuses illustrations. 

En regardant la couverture quelque peu girly mettant au premier plan l'héroïne et l'un des personnages récurrents de l'oeuvre...  



... je n'ai pas pu m'empêcher de penser au couple phare de Lucile, Amour et Rock'n roll. Chacun ses références !

Lucile et Mathias, l'homme à la chevelure vanille fraise.
Passons.

Théodora alias Théo entre au lycée après avoir passé des vacances catastrophiques : ses parents ont divorcé, son meilleur ami l'a abandonnée en optant pour des études en internat, et son pseudo petit ami ne lui a pas donné signe de vie depuis plusieurs semaines. Pour couronner le tout, son projet de manga est au point mort, faute d'inspiration, d'organisation... Alors, pour tromper l'amertume et l'angoisse qui la guettent, elle décide de reprendre l'écriture de son journal, le fameux "carnet", dans lequel elle notera -et croquera son quotidien tout au long de l'année scolaire.

Le mois de septembre commence en fanfare. Entre la découverte de son nouvel emploi du temps, sa prise de repères au lycée et au sein de la classe, et les portraits au vitriol qu'elle dresse des professeurs et des élèves, Théo nous raconte avec humour ce qui ressemble fort à une rentrée des plus ordinaires... Cependant, au delà des grilles de l'établissement, sa vie se distingue quelque peu de celle de ses pairs : d'une, elle est amie avec un tatoueur japonais du nom de Takeshi, chez qui elle a fugué quelques mois plus tôt, apprend-on au fil des pages. De deux, elle est une artiste mangaka en devenir. De trois, c'est une vraie geek, riche de sa culture des jeux vidéos et des BD japonaises, De quatre, sa mère et elle ont du se replier chez sa grand-mère particulièrement baroudeuse pour son âge, depuis la séparation de ses parents. 

Une nuit, Sîn, le rockeur rebelle et libre qui l'a embrassée avant le disparaître lui envoie un drôle de texto. Résistera-t-elle à la tentation de lui répondre ? (non)  


Problèmes de riches ! 

Je sais ! Je me plains tout le temps du côté misérabiliste ou excessivement tragique que portent certains romans pour ados ; je suis toujours en quête d'une brise légère capable de souffler une transition potache entre deux chapitres. Logiquement, je devrais être pleinement satisfaite en lisant Le Carnet de Théo. Eh bien non, même pas ; d'abord, j'ai eu du mal à m'attacher à l'héroïne. Mais de quoi Théo se plaint-elle donc ? Elle a un Ipod, de l'argent de poche avec lequel elle s'achète le matos nécessaire à l'exercice de son art, une famille aimante, et à l'école, ça roule. Du coup, la jeune fille à la coupe design m'est d'abord apparue comme une petite princesse parisienne imbue d'elle-même _ elle se vante à plusieurs reprises d'être une excellente élève_ dont les principaux soucis se résument à savoir quand la femme de ménage va revenir lui cuisiner de bons petits plats, qui a bien pu avoir une meilleure note qu'elle en maths, et comment elle va faire pour ne pas étouffer dans une aussi petite chambre ? Mais qui m'a foutu cette gamine insupportable entre les lignes de ce bouquin ? Harry Potter aussi dormait dans un espace réduit, et sous l'escalier, en plus ! lorsqu'il passait l'été chez les Dursley, et il ne faisait pas tant de manières, lui !! 



Par la suite, j'ai laissé de côté mon regard d'adulte dénué d'indulgence pour accorder une nouvelle chance à Théo ; et bien m'en a pris. Au fil des semaines et des mois, la narration des aventures de la lycéenne devient plus profonde, plus consistante. On comprend que, derrière l'ado superficielle se cachent de vraies souffrances : celles causées par le manque d'un meilleur ami parti loin de la capitale, par l'expérience des relations faussées par l'intérêt _sa voisine de classe la colle à longueur de journée pour pouvoir pomper un maximum de devoirs sur elle, par la discorde qu'elle perçoit entre ses parents. Celles causées par la fatalité, aussi. En effet, Théo a perdu son frère alors qu'elle était trop jeune pour comprendre ce qui se passait et elle s'en veut de ne pas se souvenir de cette époque. Bien sûr, elle aimerait savoir ce qui s'est passé, mais le sujet est tabou dans la famille ; il est évident qu'elle ne pourra se sentir complète tant que le secret perdurera. Le silence sera-t-il brisé dans ce deuxième volume de la trilogie ? (oui)


Un bol de culture manga   

Voire une soupière


Même si l'obsolescence le menace aujourd'hui _Le Carnet de Théo - 2 est sorti en 2012, autant dire que pour un otaku c'est déjà de l'histoire ancienne, ce journal "nouvelle génération" est un vrai bouillon de culture nippone. On dénombre une petite trentaine de mangas, d'animes et de jeux vidéos auxquels l'artiste en herbe fait allusion au cours de ses "aventures" scolaires, amicales ou sentimentales, souvent pour décrire avec humour une situation ou un autres personnage. Les lecteurs connaisseurs du genre _et j'en connais une poignée au collège _ sauront aussitôt se réapproprier les références et se gausseront jusqu'à ce qu'étouffement s'ensuive. D'autres, comme moi, riront en différé après s'être reporté au "Dico de Théo" qui clôt l'ouvrage. Dans tous les cas, la blague fera mouche, soyez-en sûrs. 

Outre sa facilité à faire appel à sa culture manga pour donner encore plus de saveur aux propos de son héroïne, Eleonore Cannone secoue le cocotier du journal intime en mêlant écriture, référence de sons et contenus de textos ; en parallèle, l'illustratrice Sinath apporte sa pierre à l'édifice en parsemant le "carnet" de superbes dessins-échos aux événements relatés ou en nous faisant partager les croquis et projets de Théo. Mettez-moi tout ça en ligne, avec un petit lien hypertexte au bout de chaque référence littéraire ou musicale, et vous aurez un prototype de journal "augmenté". 

Image trouvée sur le site "L'Atelier Canson"
D'ailleurs, quelques conseils ici sur le matos du parfait mangaka.


Vous voulez en savoir un peu plus sur les seinen, les shonen et autres chibi ? Vous voulez apprendre quelques termes techniques ? Vous voulez savoir quels mangas il vaut mieux lire pour ne pas être trop "largué" sur la question ? Lisez Le Carnet de Théo, passez-le au crible, au pire étudiez de près le "Dico" final. Cela devrait vous enlever une belle épine du pied ! 

Ah, au fait, si vous aussi vous prenez le train en route et que vous commencez la lecture du Carnet par le deuxième volume, pas de panique ! Vous pouvez y aller sans craindre de problème de compréhension majeur _ et ça, c'est bien appréciable ! 

J'ai très peu parlé de Sinath, et c'est bien dommage car ses oeuvres valent le détour.


Eléonore CANNONE, Sinath. Le Carnet de Théo - 2 - Chacun son style. Rageot, 2012. 432 p. ISBN 978-2-7002-4267-6

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