mercredi 15 février 2017

Matraque Chantilly : journal STOP - Marius Loris (2017)



En ce jour de Saint Valentin... 
 Ahah, même pas, on est déjà le 15 officiellement. 
Tant pis pour Cupidon, il l'aura dans la boite à Toblerone cette année... 



En ce jour, donc, 
et dans le cadre de l'opération Masse Critique, je tenais à remercier Babelio et l'Atelier de l'Agneau pour l'envoi de Matraque Chantilly : journal STOP, curieux ouvrage poétique publié par Marius Loris début 2017. 




Oh, je ne dirai pas que j'ai lu cet ouvrage facilement, au contraire. Bien que l'épaisseur du livre, son étiquetage au genre "journal" et la taille des caractères m'aient conduite sur les pentes glissantes de la suffisance, il a fallu m'y reprendre à deux fois pour bien entrer dans le texte et j'ai cru que je n'allais pas arriver à ficeler un billet critique dans le délai imparti _trente jours, tout de même ! 

L'auteur nous donne à lire le journal qu'il a tenu du 15 mars au 23 juin 2016 ; quand on vit au coeur de l'effervescence parisienne des manifs de contestation de la loi travail, au rythme d'une population qui craint les attentats autant qu'elle souffre de la situation d'état d'urgence, on a forcément pas mal de choses à dire. Mais encore faut-il être capable de coucher sur papier les particules de cette singulière ambiance, et avec les bons mots, s'il vous plaît. 

Marius Loris y parvient fort bien, d'une manière toute personnelle et très imagée ; lorsqu'il arpente les rues de la capitale sous un ciel changeant et dans une atmosphère électrique, rien n'échappe à son regard et à sa plume : petits commerces, visages remarquables à défaut d'être remarqués, grévistes furieux encadrés de très très près par la police... 

Les revendications sociales, les injustices n'empêchent pas la roue du temps de tourner pour tout le monde, vers l'avant ou vers l'arrière, voilée ou pleine. Se battre pour les autres, immortaliser leur combat par la poésie, oui. Utiliser ce dessein altruiste pour n'avoir pas à faire face à sa propre vie : non. Dans Matraque Chantilly - Journal Stop, le poète alterne entre les pages consacrées à la révolte populaire contre les abus des intégrismes, des politiques et des CRS, et celles relatant ses états d'âme : phase de deuil suivant à la perte d'une personne chère, la nostalgie, évocation d'un week-end au vert, agacement de l'artiste confronté à un manque d'inspiration passager..   



Comme le titre l'indique, le "journal" Matraque Chantilly est ponctué de STOP. A y regarder de plus près, il semblerait que très souvent ce "STOP" remplace le point final d'une phrase, si bien qu'on croirait que le texte est destiné à être dicté à un opérateur télégraphiste. Ce choix d'écriture donne une impression de tassement des mots et des idées, de vitesse puis d'arrêt brutal, pour mieux repartir _mais pas forcément dans le même sens. En fait, ce journal étendu entre mars et juin 2016 ressemble, de loin, au long cortège d'une manifestation qui avance à petits pas, interrompue puis poussée vers son point de rassemblement, avant d'être bloquée par les forces de l'ordre. Un pas en avant plein de tension, deux pas en arrière malgré les intentions belliqueuses, suivis d'une pause qui nous permet de ne pas louper toutes ces situations incongrues et risibles qui font le charme de la capitale lorsqu'elle s'agite. 

N'appréciant guère la poésie, j'ai du passer à côté d'une multitude de prouesses réalisées par l'artiste ; beaucoup de références ont du m'échapper. Il est possible que je vous parle très mal d'un livre qui mérite bien d'être lu. Alors je me contenterai de vous dire que j'ai été touchée, sans trop savoir pourquoi, par pas mal de phrases et d'images contenues dans Matraque Chantilly : journal STOP. 

Dont celles-ci : 
"la météo est changeante, pas la révolte. STOP" 
"L'amitié est un métier difficile mais c'est peut-être la seule voie STOP"
"(preuve que le paradis n'existe pas ou alors c'est une euthanasie cérébrale avec moutons roses)"


Ca sonne bien, ça sonne juste à nos oreilles. Voilà. Pour les arguments, désolée mais faudra repasser demain ! A votre tour d'essayer de dompter cette licorne écumante qui rue dans les brancards de son époque...  


Marius LORIS. Matraque Chantilly : journal STOP. Atelier de l'Agneau, 2017. Coll. Architextes. 94 p. ISBN 978-2-37428-001-1 


Aucun commentaire: