samedi 26 avril 2014

Blood Song T.1 - Anthony Ryan (2011)


Toujours dans le cadre de l'opération Masse Critique de Babelio, les éditions Bragelonne m'ont fait parvenir le tome 1 de Blood Song, le premier roman fantasy d'Anthony Ryan.



Autant vous dire que ce volume réceptionné pour mon plus grand bonheur m'a laissée perplexe, dans un premier temps ! Car oui, Masse Critique, c'est un peu Noël dans votre boîte aux lettres : même si vous vous attendez complètement à ce que vous allez trouver dans l'enveloppe à bulles, chaque colis réserve sa part de surprise. Comme le nombre de pages du bouquin, par exemple, auquel vous ne vous êtes certainement pas intéressé quand vous avez lu le résumé et admiré la couverture sur Babelio, juste avant de cocher la case pour qu'on vous l'expédie...


Et là... Baam, 670 pages noircies de petits caractères ! Allez, démerde-toi avec ça !  

Avoue, t'as déjà mal à tes yeux avant d'avoir commencé ! 



Comme les enfants qui viennent choisir un livre au CDI avec leur prof et qui excluent d'office les plus épais sans prendre la peine de voir de quoi ça parle, j'ai dû me forcer un peu pour ne pas différer l'entrée dans cette florissante histoire d'heroic fantasy, que j'imaginais déjà pleine de personnages et de ramifications.


GAME OVER

Blood Song se déroule au Moyen Age, entre le Royaume Unifié gouverné par le roi Janus, et l'Empire Alpiran. Un scribe impérial fait la rencontre du condamné Vaelin Al Sorna, connu pour ses hauts faits de guerre pour le compte du Royaume sous les noms de "Tueur d'Espoir" et de "Sombrelame". Entre haine et attraction pour le personnage, il recueille le récit de sa vie.

Vaelin est le fils de Kralyk Al Sorna, promu au titre de Première Épée du Royaume sous les ordres du roi Janus. Il a dix ans, sa mère vient de mourir et il est un peu perdu. Sans aucune explication, son père l'abandonne un beau matin aux portes de la Loge de l'Ordre du Sixième Ordre, une sorte de monastère où l'on forme des "frères-combattants", c'est à dire ceux qui sont voués à défendre la religion majoritaire locale au fil de l'épée. Autant dire que Vaelin Al Sorna est trop occupé à reconstituer ce qui a bien pu se passer dans la tête de son père pour se demander s'il pense avoir la vocation ou pas. Ne trouvant de réponse, il se rabat sur la haine de Kralyk et sur le réconfort que lui apporte le souvenir de sa mère, une femme pieuse et pacifiste.

Il s'adapte au dur apprentissage du combat dans l'enceinte de la Loge du Sixième Ordre, jusqu'à s'y attacher réellement ; parallèlement, il voit tomber ses copains novices comme des mouches sous la difficulté des épreuves physiques et morales : course d'orientation périlleuse, survie en forêt en plein hiver, test de motivation où les maîtres vont chercher très loin dans leurs histoires perso, bataille à l'épée jusqu'à perte de connaissance...

Tous ont leur raison d'avoir intégré le monastère, tous sont logés à la même enseigne avec pour consigne d'oublier leur famille d'origine, puisque seule la Foi fait office de mère, à présent. Malgré tout, Vaelin se sent observé un peu plus scrupuleusement que les autres, voire pris pour cible lors de ses aventures en forêt. Lors des exercices, les Maîtres lui attribuent souvent une place de meneur dont il se passerait bien. Il ne sait pas encore pourquoi, mais il sent bien que tout le monde n'a pas oublié ses ascendances nobles et le rôle politique de son père aussi facilement que lui-même est parvenu à gommer de sa mémoire ses souvenirs ou ses questions sans réponse. Pris en chasse par des ennemis de son père, et déjà adulé par d'autres pour son nom, Vaelin avance à reculons vers la sortie d'un monastère qui le protège comme il peut.

Au début du roman, j'ai eu quelques craintes : l'enfant abandonné, renié, déshérité, confié à des tiers pour assurer son éducation, puis surveillé de loin...

... la mère idéalisée, dont le souvenir flotte comme un rêve dans les moments critiques, pour donner au fils la force qui lui manque...

...l'initiation aux armes, les maîtres tyranniques, la découvertes des autres, souvent issus de familles moins huppées...

... le passé qui rattrape le héros et l'écrase malgré tous ses efforts se détacher de ses origines... le sentiment du héros d'être un jouet que le roi Janus et l'Ordre se disputent...

est-ce qu'on ne va pas avoir droit à un remake de l'Assassin Royal de Robin Hobb ?

Si les premiers chapitres confirment cette impression, le héros se détache assez vite de Fitz : Vaelin a beau avoir à ses côtés un "simple" chien mangeur d'hommes, il tient beaucoup plus du héros chevaleresque que le Bâtard et son fidèle compagnon, le loup Oeil de Nuit.

Malgré sa longueur, ce premier tome de La Voix du Sang (le titre français) est bien structuré en quatre parties de tailles à peu près équivalentes, qui débutent toutes par un retour au présent de l'action : le témoignage de Verniers, le scribe antipathique des premières pages occupé à consigner sur papier la vie du condamné Al Sorna. Heureusement qu'Anthony Ryan nous ramène régulièrement à cette situation de départ car elle permet au lecteur de réellement s'accrocher aux aventures de Vaelin qui manquent cruellement d'un fil conducteur. Où va-t-on au juste ? Point de quête explicitement posée _sinon la quête identitaire, dont les clés sont livrées plutôt rapidement, mais une accumulation de mystères qui ne trouvent pas de réponse, qu'on laisse dormir d'une péripétie à l'autre, et qui laisse entrevoir une belle série fleuve d'heroic fantasy. Les chapitres brefs qui jalonnent les différentes parties renferment tous leur petite sous-intrigue vouée à parfaire l'initiation du héros, même si on doute de l'utilité de certains dans la suite de son parcours... Si bien que j'ai parfois eu l'impression de lire la première saison d'une série télé dans laquelle chaque chapitre constituerait un épisode.

Pourtant, si cette apparente discontinuité nous déstabilise, elle nous tient aussi en haleine. Un peu comme dans Lost, on ne comprend pas tout mais on continue. On se laisse porter par un monde imaginaire, par une nouvelle mythologie, par l'évolution des personnages qu'on voit grandir _même si on manque de repères de temps, à mon avis. A certains moments, on ne sait plus trop si le jeune Frère du Sixième Ordre a 13 ou 17 ans et cela peut être gênant selon la situation décrite. Et non, je ne fais pas référence à des scènes de cul. La première fois qu'une fille lui fait des avances et se frotte contre lui, c'est une soeur guérisseuse du Cinquième Ordre qui tente de l'assassiner. On serait refroidi à moins. 

J'ai lu un peu partout que Blood Song s'inspirait beaucoup du Nom du Vent de Patrick Rothfuss, mais comme ce roman m'est parfaitement inconnu, je ne prendrai pas part au débat. Ceux qui aiment la fantasy apprécieront au moins de larges passages du livre, si ce n'est plus ; pour qui voudrait découvrir le genre en question, ce premier monstre de papier dont Anthony Ryan vient d'accoucher n'est peut-être pas la meilleure porte d'entrée. Mais comme le but n'est pas de pinailler sur des détails ; de toute façon la perfection n'existe pas. Si on arrive à ne plus penser au reste quand on lit, ça veut dire que le pari est gagné. En l'occurrence, je dirai simplement :  vivement la suite !


Paru en 2011, donc déjà disponible en anglais et sous forme numérique, la version française sort le 18 juin 2014 ; là, les éditions Bragelonne m'ont donné une version "avant-première".     


RYAN, Anthony. Blood Song Tome 1. Paris, Bragelonne. 2014. 670 p. ISBN 978-235294-750-9



Merci aux éditions Bragelonne




 








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