jeudi 4 juillet 2013

Du jour au lendemain (18 mai 2012) : François Boddaert


Voici un résumé de l'entretien entre le journaliste Alain Vinstein et l'auteur François Boddaert, pour le compte de l'émission Du jour au lendemain, diffusée sur France Culture. Le numéro du 18 mai 2012, que vous pouvez écouter sur le site de la radio, met à l'honneur le premier roman d'un éditeur plutôt habitué à publier des essais et des recueils de poèmes. Parfois proche de la chronique, Dans la ville ceinte peint la vie déclinante d'une petite ville à travers l'oeil d'un narrateur qui la redécouvre après plusieurs années d'absence.  

Fini de rigoler ! D'ailleurs, ce logo entraîne inévitablement ....
celui-là ! Soyons sérieux ! 

En écrivant Dans la ville ceinte, François Boddaert a voulu laisser une trace écrite de Sens, sa ville natale : après tout, Mallarmé n'est pas le seul à y être passé ! Si le poète-éditeur contemporain s'est depuis exilé à Paris pour ses études, il a pris soin de revenir de l'Yonne et de s'installer à proximité de sa bourgade d'origine.

Alain Vinstein l'interroge rapidement sur la relation entre la poésie et l'édition, qu'on devine difficile : les recueils de poèmes sont souvent moins diffusés, moins achetés, ils ne représentent pas une priorité pour les éditeurs. Or, François Boddaert est un ardent défenseur de la poésie, car elle joue, à son avis, un rôle social et économique sous-estimé et peu exploité. Quant à sa fonction d'éditeur, elle n'est rien moins pour lui qu'un second travail d'écrivain puisqu'elle appelle un dialogue constant avec les auteurs et une remise en question perpétuelle de son propre travail d'écriture.

Peu aguerri à ce nouvel exercice, le poète a composé son premier roman dans la douleur, si j'ai bien compris. Lui qui était plutôt connu pour ses recueils et pour la publication d'un Essai sur la littérature a du se trouver de nouvelles méthodes de travail. Dans la ville ceinte lui trotte dans la tête depuis 1978, et il l'a réécrit trois fois. Si François Boddaert écrit vite, il aime « laisser reposer » ses oeuvres quelques temps pour les retoucher ensuite.


Comme pour le pain !
A la question « Qu'est-ce qui entre dans la composition d'un livre ? », l'auteur répond : « Tout ce qui m'a concerné. » Contrairement à ce que l'on pourrait croire à la lecture de cette réponse, l'habitant de Sens n'a pas souhaité publier une autobiographie. Si beaucoup de personnages de Dans la ville ceinte sont empreints des traits de caractères de personnalités locales ayant vraiment existé, Boddaert veut à tous prix se détacher de son village natal. Transformer la réalité, créer une « ville parallèle » à Sens qu'il baptise « Icaune », donne lieu à une introspection mêlée à la création. C'est une manière de se retrouver à travers des lieux traversés sans pour autant parler de lui, avant de définitivement tirer un trait sur son passé. Dans le roman, le retour aux sources du narrateur douze ans après son départ aboutit inévitablement sur un constat : la ville a changé, la maison familiale va être vendue, il a évolué, et par conséquent plus rien ne le rattache à son passé. La ville telle qu'il la voyait est morte.

Les personnages, partiellement imaginaires donc, connaissent tous une forme de déchéance, à laquelle l'auteur remédie par l'ironie et par l'humour en prenant soin de laisser le pessimisme derrière lui ; ses références sont d'ailleurs Diderot et Balzac. Les figures d'Icaune (et non pas de Sens) sortent des normes. Léon, le médecin, fait partie de l'histoire d'une ville sur le déclin, dont il est prisonnier. Cet alcoolique admirateur de Céline est à la fois attachant et redoutable ; il a un statut bien particulier dans l'ouvrage, puisqu'il représente la vie, la science, tout en manifestant une grande amitié pour les artistes locaux que sont le poète _ inspiré du cordonnier de Sens, et le peintre. A l'équipe s'ajoute le libraire, un homme convaincu que le livre n'est pas un objet parmi d'autres, dans un temps où le métier ne donnait pas lieu à autant de pression économique qu'aujourd'hui ; il vend aussi des BD, et fait référence à Astérix.

Le temps est un autre personnage principal ; ici, il sera question du temps « qui est passé » plus que du temps « qui passe ». La cathédrale, par exemple, n'a pas changé malgré l'évolution globale du lieu ; pourtant, le narrateur la contemple et se rend compte qu'il ne la connaît pas. En fait, il serait plus juste de dire qu'il la contemple avec des yeux différents.


Bon, c'est bien la première fois que j'écris un billet sur un ouvrage que je n'ai pas lu ! Qu'est-ce qui est le plus désagréable ? La sensation de frustration de n'avoir pas lu un livre sans doute intéressant mais relativement introuvable, ou l'impression d'avoir mal interprété un ouvrage et un auteur qui me sont inconnus ? La seconde option, sans doute, car parler d'un sujet qu'on ne maîtrise pas amène à des erreurs grossières, forcément. Il parait que Pierre Bayard donne des clés pour réussir cet exercice difficile dans Comment parler des livres que l'on n'a pas lus... mais je l'ai pas lu !! :-)

La fiche du roman sur le site de la maison d'édition Le temps qu'il fait

BODAERT, François. Dans la ville ceinte. Bazas, Le temps qu'il fait. 2012. 297 p. ISBN 978-2-86853-567-2

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