dimanche 30 juin 2013

Cenon, le soir venu ...



A Cenon, une association propose un accompagnement à la scolarité pour les enfants scolarisés dans la commune. Ils sont répartis sur différents "sites", en fonction de leur situation géographique, dans des locaux mis à disposition par la municipalité _ si j'ai bien compris. Il faut compter une trentaine de gosses par site, les cohortes étant elles-même divisées en deux groupes de 15 environ. Vous suivez ? Chaque groupe se rend à "l'aide aux devoirs" deux fois par semaine, le lundi et le jeudi, ou le mardi et le vendredi, entre 17h30 et 19h.

Au passage, prenons en considération un paramètre important pour la réalisation des missions éducatives confiées aux salariés et aux bénévoles ! Etant donné que la structure* ne manque pas trop de sous, les intervenants et animateurs peuvent travailler dans de bonnes conditions : 4 ou 5 adultes pour 15 élèves, carte blanche pour des sorties au ciné, au musée... 

Qu'on soit bien d'accord : les petits, qui ont entre 6 et 12 ans, ne font pas "que" leurs devoirs pendant une heure et demie ! Tout monde est bien conscient qu'ils ont déjà une journée d'école dans les jambes, avec son lot de contraintes et d'efforts : se concentrer de nouveau pour lire, écrire et apprendre ses tables de multiplications alors qu'on a dit au revoir à ses potes et qu'on a bouffé un goûter massif, c'est vraiment pas simple ! Alors les séances s'organisent en trois temps, adaptés au mieux au rythme de l'enfant :

Le goûter : 10 - 15 minutes 

On ne saute pas le goûter ! C'est un moment épique où les monstres arrivent en meute et passent la porte en chantant Gangnam Style, suivis des mamans qui se trimbalent les vivres et les cartables de la sortie de l'école au local. Notons cependant que la majorité des enfants viennent seuls ; quant aux pères, à une ou deux exceptions près, leur visite est occasionnelle... Généralement, on profite de l'installation des gosses et de la grande exhibition de bouffe qui s'ensuit pour confisquer les ballons ou les toupies, sources intarissables de disputes. Au fil des soirées, d'autres interdits se sont dressés pour éviter les psychodrames : par conséquent, aucun échange partiel ou total de goûter n'est autorisé ; aucune pitié pour les sucettes qui collent aux cahiers, et surtout tolérance zéro pour CES MERDOUILLES DE PIPAS, car même le plus soigneux ne peut s'empêcher de FOUTRE DES COQUILLES PARTOUT. Bien évidemment, l'heureux propriétaire de la POCHE DE DEUX KILOS refuse catégoriquement de nettoyer ses déchets puisque "c'est pas lui, il en a pas mangé, il en a juste donné à TOUT LE MONDE !" L'enquête est d'autant plus difficile à mener que pendant le temps du goûter, les intervenants et les bénévoles sont trop occupés à se dire BONJOUR !!!!** et à se raconter leur journée pour avoir l'oeil sur le trafic de Monster Munch de la table du fond. Oui oui, beaucoup font quatre heures avec des biscuits apéro... Petite pensée émue pour Houari, qui à cause de notre inattention s'est fait racketter tous les soirs d'octobre à juin par sa tyrannique et vorace grande soeur Kenza.

L'horreur en pochette...

Les devoirs : 45 - 60 minutes 

Hormis l'impératif de faire grignoter les enfants avant de les faire bosser, nos coordinatrices nous ont plus ou moins aimablement donné quelques consignes de travail nécessaires au bon déroulement des séances. Tout d'abord, on doit constituer les groupes de façon à ce que les gosses ne fassent pas toujours leurs devoirs avec le même intervenant : les affinités _ou l'absence d'affinités_ ne se commande pas, et il n'est pas conseillé de les cultiver parce qu'on risque de perdre la notion d'équité en route. A l'issue du goûter, les intervenants constituent les groupes ; en effet, nous avons pris le parti de "faire bouger" les associations d'enfants pour mieux gérer les désaccords ou trop grandes complicités qui pourraient mettre en péril l'ambiance studieuse. A nous de séparer les fratries, les meilleurs potes et les harpies en herbe, malgré les supplications. C'est parti pour 45 minutes minimum ! Pour ceux qui auraient fini avant, les chanceux, une malle de cahiers d'exercices et de jeux éducatifs est à la disposition des intervenants.

Chaque intervenant a donc pour mission de gérer un confortable effectif de 3 ou 4 élèves, dans l'idéal de niveaux différents afin de réduire leurs possibilités de se copier dessus. Malgré notre attachement à repérer les tensions et les copinages avant de former les groupes, des échanges houleux ont souvent lieu d'un bout à l'autre de la table, accompagnés de coups de pieds, de mots doux et de boulettes de papier poétiques... Entre Riyad et Nadia, par exemple, l'aide aux devoirs fut le théâtre d'un amour vache immodéré digne de la première scène de Beaucoup de bruit pour rien (Shakespeare)...


"BEATRICE : _Je m'étonne que vous jasiez toujours, signor Benedict : personne ne vous écoute"***

"BENEDICT : _Eh quoi ! chère madame Dédain ! vous êtes encore vivante ?"

"BEATRICE : _Est-il possible que Dédain meure, ayant pour se nourrir un aliment aussi inépuisable que le signor Benedict ?"

"BENEDICT : _En vérité, vous feriez un perroquet modèle."

Hormis les grandes conspiratrices de CM2 qui effacent très discrètement des lignes entières de leurs agendas au blanco, ou qui rayent un exercice de maths sur deux en nous assurant que "la maîtresse s'est trompée", les enfants se débarrassent de leur corvée sans trop souffrir, visiblement.

Au bout d'une heure, tout le monde s'arrête même si les devoirs ne sont pas terminés. Il arrive que certains _ comme Houari par exemple _ soient obligé de déborder sur le temps imparti pour terminer la lecture, vu qu'ils ont oublié leur cahier à l'école et qu'il ont du attendre que Halima veuille bien leur prêter le sien !

Le temps ludique : 30 - 45 minutes


Autre consigne donnée aux équipes d'encadrement : le temps ludique est nécessaire à l'épanouissement de l'enfant. Chacun peut emprunter un jeu de société dans la malle prévue à cet effet, faire des dessins ou rejoindre une activité proposée par les intervenants. Une de mes coéquipières (ça sonne un peu pas un trop MacDo, comme terme ?) avait proposé d'initier les plus motivés au hip-hop en vue d'un spectacle en fin d'année : ce fut un grand succès, bien qu'une poignée de danseurs aient quitté le navire pour aller jouer à la boxe thaï dans un coin ou chourer les billets du Monopoly. ?!? On n'aura d'ailleurs jamais démasqué notre collectionneur de petits chevaux qui, l'un après l'autre, les a kidnappés dans leur étui... Quand on voulait avoir la paix, on leur branchait le poste sur Skyrock ou Blackbox et ALLEZ HOP CHAISES MUSICALES !!!! Les jeux les plus simples sont parfois les plus efficaces... A part quelques gamelles spectaculaires et une vitre cassée (toujours pas réparée à ce jour, pourtant on aurait pu colmater l'ouverture après toutes les lattes qu'on s'est pris dans la gueule par l'asso à l'occasion), on n'aura pas eu trop de sueurs froides.

En bonus, voici la playlist du temps ludique ; elle sera complétée quand les souvenirs voudront bien rentrer à la maison.

Cinq minutes avant la fin, les enfants rangent les jeux, sous l'oeil attentif d'un "responsable de la malle" nommé chaque semaine dans le groupe. Ce moment de la séance concorde souvent avec celui où Houari, tout content, annonce qu'il se ferait bien un jeu de l'oie avec Halima, maintenant qu'il a plié ses affaires de classe... Sauf qu'il est trop tard !

"Ah bon, tant pis !"

Houari n'est pas contrariant. Il est possible que je vous parle plus longtemps de l'énergumène dans les prochains jours.

Cenon by night

La porte du local s'ouvre sur l'obscurité. Les enfants qui sont autorisés à rentrer seuls, c'est à dire presque tous, vident les lieux et regagnent leurs immeubles respectifs. Si eux n'ont pas du tout peur, voir partir des gosses de six ans dans la rue m'effraie toujours : c'est sûrement mon côté vieux jeu, tout le monde en a un ! Bientôt, quand les derniers seront partis, ce sera à nous de regagner la station de tram et sa Ligne A remplie de fous furieux ! Pour ceux qui préfèrent le bus, la Corol 32 vous accueille les bras ouverts !

Dans la série : "on habite la même ville, mais on va pas au même collège "
"Oh tu sais que j't'apprécie, toi ?"
Jules B. petit Cenonnais scolarisé dans le privé...
Copines collègues, si vous avez des anecdotes, des impressions à ajouter, des remarques à faire, surtout n'hésitez pas !

* Je ne dis pas le nom de cette association car certains de mes propos peuvent contenir des inexactitudes.
** Spéciale dédicace à Monique ! Deux qui la tiennent trois qui la .... Ahhh noonnn baahhh
***Beaucoup de bruit pour rien, Acte I, Scène 1. William Shakespeare 

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