jeudi 13 juin 2013

Perte de contrôle


La violence ne résout rien. 

Allez-donc chantonner ce précepte à quelqu'un dont le poing est déjà prêt à suivre la plus radicale des trajectoires ! Au mieux vous serez ignoré, au pire vous vous mettrez en danger. Il est plus judicieux d'attendre que la colère s'échappe comme elle peut et s'évapore dans l'air ambiant ; là seulement, un travail de réflexion sera possible. 

Il m'arrive parfois d'avoir en face de moi des jeunes venant de se bagarrer, ou bien décidés à canaliser leur rage et à désamorcer leur bombe intérieure en cherchant refuge auprès des adultes. Longtemps, je leur ai tenu le discours général _ et bienséant_ qui s'impose dans ces circonstances : c'est pas bien, ça ne sert à rien, tu te conduis comme un animal, prouve que tu es plus intelligent(e) que ça, il faut que tu te maîtrises mieux, les autres te provoquent parce qu'ils savent que quand tu t'énerves, c'est spectaculaire... 

Depuis quelques semaines, parce que je peux me permettre de me lâcher un peu plus, ils ont droit au sordide exemple de mes grands-parents paternels : au moins, ces deux baboilles auront servi à quelque chose dans leur vie... 


"Mes grands-parents, le vieux et la vieille, habitaient cette drôle de maison moisie qui faisait face à la nôtre. Tous les jours en fin d'après-midi, le vieux frappait la vieille durant de longues minutes. Mettons-nous d'accord sur un point : la vieille n'a de l'humaine que l'apparence, et elle ne volait pas ses coups, loin de là. Toujours est-il que voir les gifles pleuvoir me donnait l'impression de regarder un film, et je ne souffrais pas le moins du monde d'assister à ce spectacle. J'étais seulement mal à l'aise. Pourquoi ? Sans doute parce que je savais qu'à la place de mon grand-père, j'aurais répondu de la même manière à ses provocations. Peut-être serais-je même allée plus loin : cette pensée condamnable flottait sans cesse au dessus de ma tête, surtout lorsqu'elle errait dans le village en exhibant ses bleus, la larme à l'oeil. Si seulement, moi aussi, j'avais pu rien qu'une fois la jeter au sol par la seule force des bras et la rouer de coups de pieds... 

Mais là n'est pas la question. Aujourd'hui, le vieux est mort _ et croyez-moi, il est bien mieux là où il est, surtout s'il n'est nulle part. La vieille vit toujours en trébuchant, se relève et repousse toujours comme du chiendent, arrosant le monde de son fiel, créant la discorde par pur plaisir. Moralité, le gosses : gueulez, tapez, tuez si vous voulez. Mais sachez que vous mourrez avant celui qui prend plaisir à vous provoquer, et qui aura tôt fait de se muer en victime !"


Cette histoire n'a rien de moral, beaucoup me déconseillent de l'exploiter à des fins pédagogiques ; et ils ont raison. Elle peut toutefois servir de base à la réflexion, puisqu'elle prend le contre-pied des représentations habituelles, créant au passage quelques électrochocs... 





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