lundi 17 juin 2013

Oh, boy ! - Marie-Aude Murail (2000)


Plus de dix ans après sa sortie, on peut maintenant parler du roman Oh, boy ! comme d'un "classique" de la littérature de jeunesse. Écrit par Marie-Aude Murail en 2000 et publié à l'Ecole des Loisirs dans la collection Medium, l'ouvrage aborde des sujets sensibles à travers l'expérience de trois jeunes orphelins déjà bien malmenés par la vie. Larmoiement en perspective et violons en toile de fond ? Peut-être, mais pas tant que ça. 




Si tout se passe bien, je vais lire, disséquer, et parler de Oh, boy ! assez régulièrement dans les années à venir. Alors soyons sérieux, sans toutefois se mettre une pression inutile.  

L'histoire 

Les trois enfants de la famille Morlevent sont désormais orphelins. Leur père est parti du jour au lendemain sans plus jamais donner signe de vie, et leur mère vient de mourir. Siméon, Morgane et Venise ne se connaissent pas d'autres parents que ceux qu'ils ont perdus, alors ils savent qu'il ne va pas être facile de leur trouver un tuteur. Ils jurent de ne jamais laisser le destin les séparer. Or, quand vous avez un père volage, vous avez de plus grandes chances de tomber sur des gens qui portent le même nom que vous. Aussi Laurence, la juge des tutelles, réussit-elle assez facilement à contacter Josiane et Barthélémy, des enfants issus d'un premier mariage.

Lequel des deux tuteurs potentiels va hériter du trio ? Josiane, ophtalmologue de 37 ans en mal d'enfant, un peu aigrie par les pluies acides du passé ? Ou son frère Barthélémy, dit "Bart", 26 ans, un jeune homme insouciant sans boulot fixe qui assume très bien son homosexualité ? Pour prendre sa décision, Laurence devra tenir compte du bien-être des enfants, faire face aux idées reçues et gérer la constante rivalité qui oppose Josiane à Bart.

Lutter contre la poisse 

Les Morlevent n'ont aucun ennemi à combattre, si ce n'est leur destin : même Josiane, même Joffrey le médecin, même le proviseur du lycée que fréquente Siméon ne sont pas de réels opposants à l'objectif suprême des trois enfants. Ils sont seulement plus ou moins antipathiques à cause de leur indifférence, de leur intolérance ou de leur égoïsme. Tant mieux ! Car lutter contre les aléas de la vie n'est déjà pas de tout repos dans une famille toute effritée ; d'autant plus que Marie-Aude Murail n'y est pas allée de main morte sur la mise en scène de situations effrayantes pour tout enfant : l'abandon du père, puis de la mère, l'expérience de la mort, de la maladie, le sentiment d'être un poids supporté plutôt qu'un être aimé... Que faire pour tenir le coup, sinon se raccrocher au rire et à un reste d'insouciance ? 

Voilà pourquoi le personnage de Barthélémy arrive à point nommé. Moins pompeux que "diantre !" et plus classe que "sa mère !", l'expression "oh boy !" qu'il utilise à tout bout de champ est emblématique de ce juste milieu cherché et trouvé entre le monde de l'enfance et l'implacable vie réelle. Sans vraiment être le joyeux luron auquel je m'attendais _ depuis le temps que des bribes de ce roman arrivent à mes oreilles _ il est doté d'une grande insouciance qui lui permet de tout dédramatiser, souvent à la surprise générale. Certains, comme sa demi-soeur, sont offusqués, d'autres  voient en lui une nouvelle issue vers l'espoir. 

Malgré son côté farfelu, Bart est sans doute le personnage qui évolue le plus au fil de l'histoire. Siméon reste le surdoué qu'il a toujours été malgré les coups du sort, Morgane est toujours aussi inexistante en dépit de quelques tentatives pour se démarquer, Venise demeure au centre de l'attention où qu'elle aille et quoi qu'elle fasse. Josiane fait des efforts, mais son frère détesté la surclasse, une fois de plus : Barthélemy sort grandi de son aventure familiale en devenant petit à petit humain, altruiste et fraternel. Peut-on parler d'un roman d'apprentissage (ou d'évolution, je ne sais plus) où les enfants ne seraient pas les seuls à mettre du plomb dans leur cervelle ? Peut-être ! 


Roman pour tous ...

Notons au passage que si son homosexualité est souvent évoquée, on n'en fait pas non plus le coeur de l'intrigue : c'est une donnée qui a son importance, mais sans plus. Par les temps qui courent, un peu de banalisation ne fait pas de mal ! J'ai lu ça et là des critiques plus ou moins acerbes sur une soi-disant "caricature de l'homo" qu'aurait dressée Marie-Aude Murail dans Oh, Boy ! et je ne les partage pas vraiment. Il est vrai que Barthélémy Morlevent est décrit comme un digne habitant du Marais quelque peu maniéré _ mais pas efféminé, soucieux de son apparence, volage, égoïste, immature et pour couronner le tout : fainéant. Mais s'indigner de cette "caricature", n'est-ce pas céder à nos propres idées reçues ? Bien des personnages de romans trompent et agissent comme des gosses sans pour autant être catalogués à la page des homos. Par conséquent, il me paraît hasardeux d'émettre une telle critique dans se compromettre soi-même...       

... mais surtout pour les ados

Oh, Boy ! est une oeuvre pour la jeunesse : le style d'écriture le laisse penser dès les premières pages, même si les tournures et les descriptions humoristiques des personnages restent légères. Visiblement, l'auteur a décidé de ne pas prendre ses lecteurs pour de petits niais, et c'est bien appréciable. Quand j'étais gosse, ce ton présent dans beaucoup d'ouvrages pourtant très bien faits me bloquait totalement : je me sentais infantilisée, voire prise pour une conne. On ne peut pas vraiment avoir cette impression ici, à moins d'être très susceptible ou prétentieux, et c'est tant mieux !

Un roman pour les jeunes lecteurs, d'accord, mais plutôt adolescents, cas si on ne tombe certes pas dans le trash, les plus sensibles pourraient quand même être remués. Tout dépend du caractère et du niveau de lecture de chacun, mais il faut bien savoir qu'en dépit des six Barbies à poil qui ornent la couverture, on y aborde des sujets sérieux assez crûment. Parlons-en, de la couverture ! Cette photographie ma foi très sympa de Lise Sarfati représente, comme vous avez pu le voir plus haut, une brochette de Barbies dénudées assises sur un rebord de baignoire. L'allusion aux poupées nymphomanes de la petite Venise est évidente, et plutôt bien pensée. Cela dit, bon courage pour convaincre un garçon d'emprunter ça au CDI ou à la bibliothèque, maintenant ! Chez les enfants, les clichés auront toujours la vie dure... 


Marie-Aude Murail. Oh, Boy ! Paris, L'école des loisirs. Coll. "Medium". 2000. 207 p. ISBN 2-211-05642-3






2 commentaires:

shaya a dit…

J'ai adoré ce bouquin gamine :) Il est effectivement un peu dur à conseiller à cause du thème, mais bon ^^

Java a dit…

C'est vrai qu'il est vraiment sympa à lire, je regrette un peu de ne pas l'avoir découvert plus tôt...

Visiblement, il est souvent utilisé à des fins pédagogiques, au collège.

Merci pour ton commentaire !