jeudi 29 septembre 2011

Le Caïd et autres nouvelles - William Faulkner


Le recueil dans le recueil 


Voilà quelques années déjà que Le Caïd et autres nouvelles dépérit sur mon étagère. Il a gardé son aspect neuf, bien que la tranche ait un peu jauni depuis sa sortie de la librairie. Laquelle d'ailleurs ? J'avoue que je ne sais plus. Tout ce dont je me souviens, c'est qu'au moment où je l'ai acheté, j'avais envie de découvrir l'univers de Faulkner parce qu'on m'en avait beaucoup parlé en bien. J'avais opté pour l'entrée en matière rapide : un petit volume de la collection Folio 2€ de Gallimard ; finalement je ne l'ai jamais ouvert, pour des tas de raisons plus ou moins valables, jusqu'à l'autre jour. 

Lorsqu'un ouvrage est aussi bon marché et aussi peu volumineux, cela signifie souvent qu'il y a anguille sous roche ; en l'occurrence, il était aisé de soupçonner un assemblage maladroit de nouvelles prélevées d'un recueil plus conséquent. Ne connaissant pas du tout l'oeuvre de Faulkner, il ne sera pas question ici d'aller au-delà de ces soupçons. Mentionnons simplement que Le Caïd, Neige, Frankie et Johnny, le Prêtre, l'Esprit d'économie et Mr Acarius font toutes partie d'Idylle au désert et autres nouvelles.  


Une succession de portraits 

A travers ces six nouvelles toutes publiées dans le recueil Idylle au désert et autres nouvelles, Faulkner nous présente une palette de personnages uniques en leur genre. Le Caïd retrace l'ascension sociale difficile de Martin, un fils de paysan originaire du Mississippi. Marqué depuis son enfance par l'image du patron de ses parents, symbole de richesse et de réussite, il s'est fixé comme objectif de partager un jour le même mode de vie. Aussi tient-il absolument à ce que sa fille puisse participer au bal des gardes Chikasaw, dont les membres sont soigneusement choisis. Celle-ci reste méfiante, car elle a compris que lorsqu'on n'est pas bien né, on peut au mieux imiter les riches, et au pire se ridiculiser.

Dans Neige, deux soldats américains venus en Suisse assistent à l'enterrement retardé d'un guide professionnel victime d'une chute en haute montagne l'hiver précédent : était-ce vraiment un accident ? Il n'y a qu'aux environs de l'auberge du village que la vérité peut prendre quelques bouffées d'air pur.

Johnny et Frankie sont des amants aussi jeunes que désargentés ; la manière dont ils se rencontrent est l'emblème du possible succès du dragueur lourd. En effet, Johnny le mécano prend le pari devant une poignée de copains, de séduire Frankie, une fille au caractère bien trempé. Son insistance va l'amener à développer des qualités de poète encore inconnues de lui-même. Seul obstacle : la mère de la jeune fille, veuve de boxeur et habituée des trottoirs, qui lui souhaitait de trouver un meilleur parti.

La nouvelle intitulée Le prêtre nous dévoile tout ce qui se passe dans la tête d'un novice qui parcourt Canal Street. Il est à la veille d'être ordonné prêtre, et au fond de lui se bousculent les tentations, les incertitudes, les regrets et les espoirs. Aussi n'a-t-il plus qu'une hâte : arriver au lendemain, pour que Dieu le délivre et fasse de lui un autre homme.    

L'avant dernier décor du recueil est essentiellement militaire. Le sergent écossais MacWyrglinchbeath est mécanicien dans l'armée de l'air ; mais son but dans la vie est de piloter les avions. Non pas parce qu'il est courageux, non pas pour monter en grade, non pas pour la gloire, mais seulement pour économiser de l'argent. Celui qu'on appelle communément "MacBeath", pour se simplifier la vie, tient à jour son livre de comptes. Parce qu'il a "l'esprit d'économie", il n'hésite pas à s'autoriser quelques écarts pour mettre un peu plus de côté.

Mr Acarius a tout pour être heureux ; il ne lui manque plus que "l'expérience de la race humaine". Arrivé à 50 ans après avoir mené une vie irréprochable et finalement couronnée de succès, il se rend compte qu'il n'a pas vraiment vécu. Il s'adresse alors à son ami médecin pour rattraper le temps perdu, en l'espace de quelques jours.

Une peinture nécessaire


Ces quelques nouvelles nous montrent que la réalisation du tableau des personnages peut avoir bien plus d'importance que la narration de l'histoire ; en effet, le caractère des héros détermine tellement le déroulement des événements qu'il est important de les connaître à fond pour comprendre pleinement l'action et la chute de chaque histoire. C'est pourquoi il ne faut pas se laisser déstabiliser par la richesse des descriptions qui a tendance à étouffer la narration.

William Faulkner. Le Caïd et autres nouvelles. Gallimard, Coll. Folio 2€. 2004. 140p. 
Traduction : Didier Coupaye et Michel Gresset
Photo : Gallimard, Folio 2€

Aucun commentaire: